LA BRIGADE (texte intégral)
 
 
Extrait du rapport d’ensemble sur les opérations de la Brigade des Fusiliers Marins
 
Constitution de la Brigade :
 
1er Régiment
 
La constitution d’un régiment de Marins qui, dans l’esprit du Ministre, devait être affecté à la police de Paris, fut décidée dès les premiers jours de guerre (D.M. des 7 et 9 août 1914).
 
Les quatre premiers dépôts en fournirent les éléments :
 
1er bataillon :                 Cherbourg : 3 compagnies
Rochefort : 1 compagnie
 
2ème bataillon :             Brest : 4 compagnies
 
3ème bataillon :             Lorient : 4 compagnies
 
Le Capitaine de Vaisseau DELAGE prenait le commandement du 1er Régiment de Marins ainsi constitué.
 
            2ème Régiment
 
Une dépêche Ministérielle du 16 août prescrit aux dépôts la constitution de 8 nouvelles compagnies destinées à former un 2ème Régiment de Marins : Cherbourg fournira une compagnie, Lorient trois et Brest quatre. La formation d’un troisième bataillon est prescrite au port de Rochefort par Dépêche Ministérielle du 25 août.
 
Le Capitaine de Vaisseau VARNEY prend le commandement du 2ème Régiment de Marins.
 
La constitution du 2ème régiment était complétée le 30 août par un détachement de 200 fusiliers brevetés, encadrés de gradés de la mousqueterie et prélevés dans les compagnies de formation de Toulon. Ce personnel est réparti entre les unités du Régiment.
 
Le 22 août, le contre-amiral RONARC’H qui, depuis le commencement du mois présidait à l'organisation des Régiments, prenait le commandement de la Brigade. Le 28 août, le chef de bataillon d'infanterie LOUIS lui était adjoint en qualité de chef d'état-major.
 
Une dépêche ministérielle du 2 septembre prescrit que les deux régiments de marins affectés à la place de Paris deviendront des régiments « de marche », constituant la « Brigade des fusiliers marins ».
 
            Compagnie des mitrailleuses
 
Le 18 septembre, le Général gouverneur de Paris plaçait sous les ordres du contre-amiral et rattachait à la Brigade un détachement de huit sections de mitrailleuses commandé par le Lieutenant de Vaisseau de MEYNARD. Constitué dès les derniers jours du mois d’août avec du personnel et du matériel débarqué des croiseurs AMIRAL AUBE, GLOIRE, GUEYDON, KLEBER, GUICHEN, DUPETIT THOUARS, MARSEILLAISE, JEANNE D’ARC, ce détachement était depuis cette époque placé sous les ordres du Général LERE, commandant la 92ème D.T. affectée à la défense du secteur N.E. du camp retranché. Son effectif de 100 hommes environ fut porté à 275 hommes par des prélèvements faits dans les deux régiments.
 
Ce détachement prit le nom de « Compagnie des mitrailleuses de la Brigade ».
 
L’organisation de la Brigade se poursuivit pendant tout le mois de septembre, notamment en ce qui concerne l’équipement, l’habillement des hommes et la constitution des trains.
En dépit des déplacements des unités au cours du mois de septembre, ces diverses opérations se poursuivirent activement et le 24 septembre, le contre-amiral pouvait écrire que la Brigade était prête à sortir du camp retranché de Paris.
 
La brigade comprenait les unités suivantes :
 
1)      1er Régiment de marche constitué à 3 bataillons de 4 compagnies de 250 hommes environ chacun. Chaque bataillon commandé par un Capitaine de Frégate secondé par un Lieutenant de Vaisseau, adjudant-major ; les compagnies sont commandées par des lieutenants de vaisseau, les sections par des enseignes de 1ère classe, des officiers des équipages ou des premiers-maîtres. Le régiment possède deux sections de mitrailleuses commandées par un enseigne de 1ère classe et un officier des équipages.
Le service médical comprend une infirmerie réglementaire dirigée par un médecin principal et trois postes de secours rattachés aux bataillons, et sous la direction chacun d’un médecin de 1ère classe.
Le service administratif est dirigé par un commissaire de 1ère classe assisté de deux commissaires de 3ème classe, dont l’un remplit les fonctions d’officier d’approvisionnement.
 
2)      2ème Régiment de marche. Même constitution que le premier.
 
3)      Compagnie des mitrailleuses de la Brigade. Commandée par un lieutenant de vaisseau, elle comprend huit sections, sous les ordres chacune d’un lieutenant de vaisseau, d’un enseigne ou d’un officier des équipages. Le service médical comprend un poste de secours sous la direction d’un médecin de 1ère classe.
 
4)      Ambulance n° 1 et n° 2. Dirigées chacune par un médecin principal et munies du matériel nécessaire pour hospitaliser momentanément à l’arrière les blessés ou les malades provenant des premières lignes, en attendant leur évacuation définitive.
 
L’effectif de la brigade était de 6500 hommes environ.
 
La brigade reste dans le camp retranché de Paris pendant tout le mois de septembre. Le 4 octobre, elle reçoit l’ordre de se tenir prête à partir pour Dunkerque, pour faire partie d’une armée qui s’organise dans cette région.
 
7 octobre – Embarquement de la Brigade et de ses convois à la gare de Saint-Denis et à la gare de Villetaneuse (7 trains).
 
Destination : Dunkerque.
 
8 octobre – A Dunkerque, ordre est donné de faire continuer les trains de transports sur Anvers.
 
Mais la voie est coupée après Gand : la Brigade débarque dans cette ville (après-midi du 8 octobre et nuit du 8 au 9).
 
Elle y trouve la situation suivante :
Les 6 divisions d’Armée de l’armée belge sont en retraite d’Anvers sur Bruges, s’échelonnant entre ces deux points. Une est encore à Anvers avec 10000 Anglais ; 2 sont à l’ouest du canal de Terneusen, 3 à l’est de ce canal. La division de cavalerie belge est sur le flanc sud de cette marche, au sud de Lokeren, surveillant l’Escaut.
 
A Gand, des troupes belges (8 escadrons de cavalerie, 1 brigade mixte et 1 brigade de volontaires, 2 régiments de ligne, toutes ces unités à effectifs très réduits), défendent sous les ordres du Général belge CLOTHEN, le front sud de Gand entre l’Escaut aval et la Lys.
 
Les Allemands sont peu actifs dans cette région, ils dépassent toutefois la ligne de la Dender.
 
Dès son arrivée à Gand, la Brigade se couvre :
            Dans le secteur entre Escaut, un bataillon est poussé sur le front entre Gontrode et Quadrecht, pour compléter de ce côté la ligne déjà établie par les Belges ; l’autre bataillon est placé au nord de la Melle, en réserve de ce secteur (2ème Régiment - commandant VARNEY).
            Dans le secteur nord de l’Escaut aval, 1 bataillon va constituer un front défensif face à l’est, entre Heusden et Goudenhant ; un autre est placé à Destelbergen, en réserve de ce secteur (1er Régiment – commandant DELAGE).
            Le reste de la brigade (2 bataillons, la compagnie de mitrailleuses) est rassemblé au sud et à proximité de Gand, en réserve générale au carrefour de Schelde, où l’Amiral place son poste de commandement.
 
Les convois (sauf les ambulances) sont réunis à la sortie de Gand (N.O.).
 
Les unités belges précitées complètent le front Quadrecht Gontrode en occupant Lemberge et Schelderode.
 
L’artillerie de la 4ème brigade mixte est en batterie vers Lindenhoek.
 
9 octobre – On signale qu’Anvers est en feu et près d’être pris, que des forces allemandes suivent l’armée belge en retraite et cherchent à la prendre en flanc, que des forces ennemies de plus en plus nombreuses garnissent la Dender dans la région d’Alost.
 
L’armée belge continue sa retraite vers Bruges.
 
La 7ème division anglaise commence à débarquer à Gand.
 
La garnison de Gand, dont la brigade fait partie, reçoit la mission de couvrir la retraite des divisions belges.
 
La cavalerie belge, lancée en avant dès le lever du jour, signale les Allemands occupant progressivement la région entre la Dender et l’Escaut vers Gand.
 
A midi, le premier contact est pris avec l’ennemi qui attaque le front Gontrode Quadrecht défendu par un bataillon du 2ème régiment.
 
A 14 heures, le bataillon de réserve de secteur renforce la ligne de feu, il est remplacé à Melle par 1 bataillon de la réserve générale.
 
Vers la fin de la journée, l’ennemi se retire, mais il reste à proximité. Il occupe les bois, les maisons, tous les obstacles du sol qu’il organise.
 
A 21 heures, l’attaque reprend et les Allemands parviennent à s’emparer de Gontrode. Leurs progrès s’arrêtent toutefois à la voie ferrée Quadrecht-Melle qu’ils ne peuvent entamer.
 
Une contre-attaque est décidée pour le lendemain matin avant le jour, en vue de prendre les Allemands en flanc. Cette contre-attaque menée par une brigade belge venue du secteur de la Lys doit déboucher de Meirelbecke et être dirigée par Lemberge sur Gontrode. Elle est d’ailleurs inutile, les Allemands ayant abandonné Gontrode et Quadrecht au milieu de la nuit.
 
Pendant l’après-midi, le Général CAPPERS, commandant la 7ème Division anglaise, a pris le commandement de toutes les troupes de Gand. L’Amiral a reçu le commandement du secteur entre Escaut ; en plus des troupes belges du secteur, deux bataillons anglais ont été mis à sa disposition pour la défense de ce secteur. Un général anglais prend le commandement du secteur nord Escaut, dans lequel deux régiments anglais sont venus prendre position sur la gauche du 1er régiment, au nord de Destelbergem.
 
10 octobre – L’ennemi s’est retiré. Gontrode est réoccupé par les marins.
 
Les deux bataillons anglais sont placés, l’un dans des tranchées entre Gontrode et Lemberge (ce dernier village est occupé par les Belges), l’autre bataillon à la réserve générale (au carrefour de Schelde). Un des bataillons de marins, engagé la veille, rentre à la réserve générale. Ces mouvements sont terminés à 7 heures.
 
Dans la matinée, un « taube » survole le secteur, Quadrecht est visité par une auto mitrailleuse. L’attaque reprend à midi, toujours sur Gontrode.
 
La situation de la brigade même renforcée et des troupes belges voisines peut devenir critique, car l’armée belge a continué son mouvement de retraite vers l’ouest et l’ennemi pousse énergiquement ses attaques sur Quadrecht et Gontrode.
 
A la nuit, l’ennemi finit par occuper à nouveau ce dernier point, malgré les renforts envoyés au commandant VARNEY.
 
Le combat continue entre Melle et Gontrode. Comme la veille, les Allemands sont arrêtés en avant de la voie ferrée et se retirent au milieu de la nuit.
 
11 octobre – Grâce à la résistance devant Gand, l’armée belge a pu se retirer sans être inquiétée. Elle est maintenant à une journée de marche à l’ouest et continue sa retraite. La garnison de Gand forme un îlot au milieu de l’activité allemande. L’ennemi augmente en nombre sur les deux rives de l’Escaut, en aval de Gand, et au sud de cette ville.
 
La décision est prise de se décrocher dans la soirée. Le Général CAPPERS donne à l’Amiral l’ordre de se dégager par une marche de nuit et de porter la brigade à Aeltre.
 
Journée relativement calme. Le repli de la brigade commence à 18 heures par ses convois, puis à 18h30 par la troupe qui est momentanément remplacée sur la position par des unités anglaises.
 
Itinéraire : Tronchiennes, Luchten, Meerandre, Hansbeke, Beliem, Aeltre.
 
Ordre de marche : 2ème régiment, compagnie de mitrailleuses 1er régiment. La 7ème division anglaise marche derrière la brigade.
 
12 octobre – Marche de nuit de 35 kilomètres par le froid et le brouillard.
 
Les bataillons arrivent à Aeltre entre 7 et 9 heures. Rien n’a été abandonné, ni personnel, ni matériel.
 
A Aeltre, court repos ; la marche reprend à 11h30 sur Thielt par Ruysselede. Ordre de marche : 1er régiment, (1 bataillon avant-garde), compagnie de mitrailleuse, 2ème régiment. Les trains avec les troupes. Pas d’incidents. Arrivée à Thielt à 16 heures. La 7ème division anglaise y arrive à 18 heures. Cantonnement d’alerte. Avant-postes pour la brigade : 1er bataillon du 1er régiment tient le secteur entre la route de Deynse incluse et celle de Wacken incluse.
 
La brigade a fait sans pertes 55 kilomètres en 20 heures ; l’ennemi a perdu tout contact avec elle.
 
13 octobre – Le Général CAPPERS ordonne à la brigade de se porter sur Thourout pour y cantonner. Itinéraire : Pitthem, Coolscamp, Lichttervelde.
 
Départ à 8 heures, ordre de marche : 2ème régiment (1 bataillon avant-garde), compagnie de mitrailleuses, 1er régiment, le train avec les troupes – grande halte.
 
Arrivée à Thourout à 15 heures.
 
Cantonnement d’alerte, toutes les routes sont barrées et gardées.
 
La division anglaise s’est dirigée sur Roulers. La brigade est placée sous les ordres du Roi des Belges.
 
L’armée belge est rassemblée : partie entre les marais de Ghistelles et le bois de Vijnendaule, partie derrière l’Yser vers Dixmude et au nord.
 
L’ordre est donné de faire tête sur la ligne : marais de Ghistelles – bois de Vijnendaule – Cortemark – Staden – Menin. La part de la brigade sur ce front va du sud du bois de Vijnendaule exclus à Cortemark et la gare inclus.
 
14 octobre – La brigade se porte dès le matin à l’ouest de Pereboom, prend une formation de rassemblement articulé face à l’est et organise rapidement son front de défense :
            2 bataillons et les mitrailleuses occupent les organisations de ce front et fournissent les avant-postes (1er bataillon du 1er régiment, commandant de SAINTE-MARIE), 1er bataillon du 2ème régiment, commandant JEANNIOT ;
            2 bataillons sont en soutien à Markow et au N.O. de Cortemark ;
            2 bataillons et des mitrailleuses restent en réserve générale à Pereboom où l’Amiral établit son poste de commandement ;
            1 groupe d’artillerie belge (groupe Ponthus) mis à la dispostion de la brigade s’installe sur des emplacements de batteries reconnus en arrière du front.
 
Les convois sont poussés à la gare de Zarren.
 
Au nord, la 4ème D.A. belge occupe le front à partir du bois de Vijnendaule.
 
Au sud, rien. Les Anglais sont partis vers Roulers.
 
Le flanc sud de la brigade est en l’air. L’Amiral signale cette situation anormale au Grand Quartier Général belge qui maintient l’ordre de tenir « coûte que coûte » sur la ligne indiquée. Toutefois, le Grand Quartier Général décide de faire déboucher la 5ème et la 3ème D.A. de Dixmude sur Staden et Roulers.
 
L’ennemi est signalé à Thielt et à Roulers se dirigeant sur Cortemark. D’autres colonnes allemandes sont signalées en route sur Bruges et de Menin sur Roulers.
 
15 octobre – A minuit, arrive l’ordre de se replier sur l’Yser. Commencement du mouvement à 4 heures. Itinéraire pour la brigade : Werkem, Zarren, Eesen, Dixmude.
 
Les trains de la brigade sont tout de suite poussés sur la route Oostkerke – Pervyse.
 
A partir de 4 heures, les mouvements s’exécutent correctement, malgré l’encombrement extrême des routes. Le 1er bataillon du 2ème régiment (Commandant JEANNIOT) et l’artillerie du groupe Ponthus forment l’arrière-garde.
 
Arrivée à Dixmude à 10 heures.
 
Avant-postes :
2ème bataillon du 1er régiment (Commandant de KERROS) est porté sur la route de Woumen, barrant cette route.
 
Le reste de la brigade est à Dixmude (4 bataillons et la compagnie de mitrailleuses), derrière l’Yser poussant une grand’garde d’une compagnie sur la route de Seerst.
 
Le groupe d’artillerie Ponthus est placé en surveillance sur le mouvement de terrain au sud de la chapelle de Notre-Dame du Bon Secours.
 
Le poste de combat de l’Amiral est à la chapelle de Notre-Dame du Bon Secours.
 
L’ordre arrive de tenir « coûte que coûte » la tête de pont de Dixmude dont la gare doit servir à certains transports de matériel venant d’Anvers et d’Ostende.
 
Les dispositions précédentes sont maintenues, toutefois un bataillon (3ème bataillon du 1er régiment, commandant RABOT) est poussé à Notre-Dame du Bon Secours, en soutien des avant-postes vers l’est. Un autre (le 1er du 1er régiment, commandant de SAINTE MARIE) avec une compagnie du Génie belge, met en état de défense les lisières extérieures de la ville.
 
La brigade est placée sous les ordres du Général MICHEL, commandant la 4ème D.A.
 
Dans la soirée, le poste de la route d’Eesen repousse l’attaque d’une auto-mitrailleuse allemande venant de Zarren.
 
16 octobre – Les transports par la gare ayant pris fin, la brigade se replie dans la matinée sur Dixmude et l’Yser.
 
Ce mouvement difficile s’exécute en vue des patrouilles ennemies.
 
Le terrain à défendre est divisé en deux secteurs, séparés par la route Dixmude-Caeskerke, cette route appartenant au secteur nord.
 
Secteur nord : 1er régiment (commandant DELAGE) :
            Un bataillon (le 2ème, commandant de KERROS) à Dixmude dans les tranchées organisées autour de la ville.
            Un bataillon sur la rive ouest de l’Yser,
            Un bataillon à Caeskerke en soutien.
 
Secteur sud : deux bataillons du 2ème régiment (commandant VARNEY) :
            Un bataillon sur la rive ouest de l’Yser,
            Un bataillon en soutien au sud de Caeskerke.
 
L’Amiral place son poste de commandement à la gare de Caeskerke. Il garde à sa disposition :
            La réserve générale, soit :
-         un bataillon du 2ème régiment
-         la compagnie de mitrailleuses (à la croisée des routes Dixmude-Pervyse et Dixmude-Oudecappelle).
-         l’artillerie (groupe Ponthus, dont deux batteries sont en batterie au sud du 2ème passage à niveau de la voie ferrée Dixmude-Furnes, et l’autre au nord de Caeskerke).
 
Au nord de la brigade, la ligne de l’Yser est défendue par la 4ème D.A. belge.
 
Au sud, un corps de cavalerie française venant de la forêt d’Houthulst attaque Clerken où les Allemands sont retranchés.
 
Dixmude est attaquée vers 16 heures par des forces d’infanterie et d’artillerie de campagne venant d’Eesen.
 
L’action est assez chaude ; elle se prolonge pendant la nuit et la matinée du 17.
 
17 octobre – Les shrapnells tombent sur Dixmude et sur les tranchées en avant sans grands dommages.
 
A 13 heures, l’ennemi se retire.
 
L’après-midi est calme ; on travaille à refaire et à consolider les tranchées des lisières extérieures de Dixmude, à organiser les tranchées de l’Yser (rive ouest), les tranchées des réserves de secteur et celles de la réserve générale. Ce travail sera repris d’ailleurs à chaque accalmie et toutes les nuits.
 
Un renfort d’artillerie arrive : artillerie de la 3ème D.A. (3ème régiment d’artillerie belge – Colonel WLESCHOUVER), cinq groupes qui, ajoutés au groupe Ponthus, donnent à la défense de Dixmude et de l’Yser un total de 72 pièces de campagne.
            Ces nouveaux groupes sont répartis :
-         un sur l’Yser au nord de Caeskerke
-         un au sud d’Oostkerke
-         un à la ferme Bien-Acquis
-         un à de Kappelhoek
-         un à Saint-Jacques Capelle.
-          
Ils sont reliés par téléphone au poste de commandement de l’Amiral (gare de Caeskerke) qui se réserve l’emploi de cette artillerie.
 
Toutefois, il lui donne l’ordre permanent d’ouvrir instantanément le feu, de jour comme de nuit, sur les abords de Dixmude toutes les fois qu’une fusillade et plus particulièrement le bruit des mitrailleuses indique clairement qu’une attaque d’infanterie est dirigée contre nos tranchées.
 
18 octobre – Matinée calme. Une compagnie du 3ème bataillon (1er régiment) est envoyée à la gare de Dixmude en réserve de la défense de la ville.
 
Patrouilles de cavalerie ennemie vers Dixmude, canonnade et fusillade au nord vers Couckelaere.
 
Le Roi des Belges vient visiter les tranchées de l’Yser.
 
A midi, le bataillon de Kerros est envoyé en reconnaissance offensive sur Eessen. Il rentre à la nuit dans les tranchées de Caeskerke.
 
Le corps de cavalerie française a pris Clerken et continue sur Zarren. A Zarren, le commandant de cette cavalerie demande à l’Amiral l’appui d’un bataillon de marins pour pouvoir continuer sur Thourout.
 
Le 3ème bataillon du 2ème régiment – commandant MAUROS – avec deux autos-mitrailleuses belges est aussitôt envoyé à Eessen où il s’installe pendant la nuit en halte gardée face au nord, et en liaison avec Zarren.
 
19 octobre – L’ennemi attaque en force Leke, Keyem et Beerst. Ces villages sont défendus par des forces belges qui demandent des renforts.
 
Ordre est donné à la brigade de se porter sur Keyem pour enrayer l’attaque ennemie sur ce point. Une division belge (5ème D.A.) doit également déboucher de Dixmude et se porter sur Wladsloo et au nord.
 
Une brigade belge (brigade MEYSER) doit remplacer la brigade de marins à Dixmude et sur l’Yser.
 
Deux régiments de goumiers (colonel du JONCHAY) sont mis pour la journée à la disposition de l’Amiral qui leur donne l’ordre de se porter par Werckem sur Bovekerke en vue d’explorer les bois vers Couckelaere et d’assurer la liaison avec le corps français de cavalerie.
 
Dispositions prises par l’Amiral :
-         un bataillon du 2ème régiment (le 1er, commandant JEANNIOT) attaque Keyem par la route
-         un bataillon (le 2ème, commandant CONTI) en soutien de cette attaque
-         un bataillon (le 3ème du 2ème régiment, commandant MAUROS) qui est à Eessen attaque Hoograde par la route de Wladsloo
-         1er régiment, rassemblement à Dixmude.
 
L’artillerie appuie l’attaque, deux batteries traversent Dixmude et se placent perpendiculairement à la route de Keyem à la sortie nord de la ville.
 
Les autres batteries en situation de tirer vers Beerst et Keyem ont l’ordre de préparer l’attaque (l’action de l’artillerie sera d’ailleurs gênée par l’incertitude dans laquelle on se trouve de savoir si Keyem et si Beerst sont ou non aux mains des Allemands).
 
Poste de combat de l’Amiral, au début de la journée, à Dixmude.
 
Le mouvement commence à 10 heures.
 
Les Belges n’occupaient pas Beerst. Le bataillon JEANNIOT est accueilli par des coups de feu partant du village. Il se déploie très malaisément en raison du terrain coupé de canaux, de fossés pleins d’eau. Il est obligé d’attaquer d’abord Beerst. Il est assez éprouvé.
 
Le bataillon qui le suit en soutien (bataillon CONTI) le remplace dans cette attaque et, en même temps, se couvre du côté de Keyem.
 
Le 2ème bataillon du 1er régiment (commandant de KERROS) vient en soutien du bataillon CONTI. Le bataillon JEANNIOT rentre à Dixmude.
 
Le bataillon MAUROS débouche de Wladaloo sur Hoograde.
 
La 5ème D.A. prolonge le front de combat à droite et en arrière.
 
L’ennemi met en action son artillerie lourde qui recherche sans succès le groupe placé au nord de Dixmude.
 
A 17 heures, Beerst est occupée par les marins.
 
L’Amiral qui s’est porté à Beerst, ordonne au commandant VARNEY d’organiser les lisières nord du village.
 
A 18 heures, ordre de revenir derrière l’Yser.
 
La brigade se décroche et rentre pendant la nuit dans les cantonnements tout à fait insuffisants de Caeskerke (2ème régiment) et Saint-Jacques Capelle (1er régiment).
 
Les deux batteries d’artillerie qui ont suivi l’attaque reprennent leur emplacement.
 
Les goumiers reviennent à Loo.
 
Ces mouvements sont terminés à 23 heures.
 
20 octobre – A la suite d’ordres donnés dans la nuit, la brigade belge MEYSER qui est à Dixmude est placée sous les ordres de l’Amiral. Elle conserve la défense de cette tête de pont (colonel JACQUE commandant), et la brigade de Marins prend la défense de l’Yser. Les dispositions nouvelles prises en conséquence sont terminées à 8 heures.
 
Chaque régiment a :
            1 bataillon le long de l’Yser,
            1 bataillon en soutien dans des tranchées entre la gare de Caeskerke et l’Yser, perpendiculairement à la route,
            1 bataillon à la réserve générale au carrefour ouest de Caeskerke.
 
Rien de changé pour l’artillerie.
 
L’Amiral reprend son poste de combat à la gare de Caeskerke.
 
Ordre d’approfondir toutes les tranchées à 1,70 m en vue de mettre les troupes à l’abri du bombardement par l’artillerie lourde allemande.
 
L’ennemi a repris son attaque de Keyem et de Leke. Il repousse sur l’Yser les troupes de la 4ème D.A.
 
A 11 heures, bombardement énergique de Dixmude et des tranchées.
 
A 16 heures, attaque violente de Dixmude par l’infanterie allemande.
 
L’Amiral envoie en renfort successivement :
            2 compagnies du 2ème régiment
            2 compagnies du 1er régiment.
 
Toute l’artillerie de la défense est mise en action.
 
Les tranchées résistent. L’ennemi se retire à 20 heures.
 
En prévision d’une nouvelle attaque, ces 4 compagnies sont maintenues dans les tranchées.
 
21 octobre – Dans la nuit, fusillade intermittente. Au nord de Dixmude, les Allemands continuent leurs progrès jusqu’à l’Yser.
 
A Dixmude, nous avons :
            Le régiment du colonel JACQUES et 4 compagnies de marins (2 du 1er régiment – 2 du 2ème régiment). L’Amiral y ajoute 2 compagnies (1/2 du 3ème bataillon, 1er régiment) en réserve au passage à niveau de la gare.
 
Sur l’Yser : 2 bataillons.
 
En réserve de secteur : 1 bataillon ½.
 
En réserve générale : 1 bataillon et les mitrailleuses non utilisées sur le front.
 
En arrière, le reste de la brigade MEYSER destinée à la relève des unités belges à Dixmude.
 
Artillerie sans changement.
 
Poste de l’Amiral : gare de Caeskerke.
 
Le bombardement de Dixmude et des tranchées recommence à 6 heures du matin (obus de 15).
 
Pendant l’après-midi, le bombardement devient violent ; nombreux incendies dans la ville. Les compagnies de réserve dans Dixmude sont assez éprouvées. L’Amiral cherche à éteindre le feu des batteries ennemies à l’aide de l’artillerie, mais sans résultat appréciable.
 
Vers 19 heures, alerte : des renseignements arrivent d’après lesquels certaines tranchées au sud de la ville seraient prises par les Allemands.
 
L’Amiral donne l’ordre de reprendre les tranchées coûte qui coûte. Il envoie 3 compagnies de renfort et fait battre énergiquement avec l’artillerie les abords immédiats de Dixmude. Après une lutte violente, les Allemands sont repoussés et les tranchées sont réoccupées.
 
A 21 heures, l’ordre est rétabli, mais les 3 compagnies de renfort restent dans les tranchées déjà occupées par les Belges.
 
Au sud de Dixmude, le corps de cavalerie française a rétrogradé sur la forêt d’Houthulst, puis plus au sud. Il sera remplacé sur l’Yser, à la droite de brigade, par la 89ème division territoriale d’infanterie.
 
22 octobre – La bataille reprend à Dixmude, au milieu de la nuit. On signale de nouveau que des tranchées ont été évacuées au nord de la ville ; 2 compagnies du 2ème régiment qui étaient prévues pour la relève y vont et rétablissent les affaires. Elles relèvent ensuite les 2 compagnies du 2ème régiment.
 
Au jour, la brigade est disposée comme la veille, mais les compagnies qui sont à la réserve générale et qui viennent de Dixmude sont très éprouvées et très fatiguées.
 
Dès l’aube, le bombardement recommence, moins nourri le matin, très intense de 12 à 13 heures, heure à laquelle il cesse.
 
Après-midi calme. On en profite pour améliorer les tranchées et pour évacuer des blessés ennemis.
 
On trouve de nombreux tués Allemands tombés près des tranchées.
 
Au nord de Dixmude, les Allemands ont franchi l’Yser dans la boucle de Tervaete, repoussant les troupes de la 4ème D.A. belge. Cette division va chercher par une contre-attaque, à jeter les Allemands dans l’Yser. L’Amiral lui offre la collaboration de son artillerie.
 
23 octobre – La nuit, malgré un bombardement intermittent de Dixmude et des tranchées, est mise à profit pour relever les compagnies des tranchées par les compagnies les moins fatiguées des réserves.
 
Le bombardement se prolonge dans la matinée, devient violent dans l’après-midi ; les Allemands utilisent de plus gros calibres, 21 et peut-être 28.
 
Aux tranchées devant Dixmude, de fréquentes attaques d’infanterie sont repoussées.
 
Dans la boucle de l’Yser, les Allemands résistent aux contre-attaques belges. Ils finissent par occuper toute la boucle malgré le feu de notre artillerie qui a pris cette boucle pour objectif.
 
Des renforts français (42ème division d’infanterie, général GROSETTI) sont envoyés à la 4ème D.A.
 
Arrivée du détachement d’artillerie lourde du Commandant GRUARDET (2 batteries de 155 court et 2 batterie de 120 long à Avecapelle. Le Commandant GRUARDET vient se mettre à la disposition de l’Amiral et étudier le terrain.
 
24 octobre – Pendant la nuit, relève des compagnies qui sont aux tranchées de Dixmude par d’autres compagnies venant des réserves. Attaques d’infanterie à intervalles réguliers d’une heure, semble-t-il et toujours précédées de quelques obus de gros calibre.
 
Au matin, le bombardement de Dixmude et des tranchées par l’artillerie lourde allemande postée vers Wladsloo, Eessen, Clerken, reprend. Notre artillerie répond, mais sans résultat appréciable. Les obus nous arrivent également du nord. L’ennemi est maintenant en force sur la rive gauche de l’Yser.
 
Par suite d’un malentendu, il s’infiltre de Stuyvekenskerke à Oud Stuyvekenskerke, tournant la défense de l’Yser, cependant que le bombardement redouble de violence sur toute la plaine entre Dixmude et Caeskerke.
 
La situation de la brigade qui est toujours face à l’est devient critique. En vue d’arrêter le plus loin possible des ponts de Dixmude les progrès de l’ennemi, l’Amiral envoie dans la matinée une partie des réserves de secteur avec le Commandant RABOT pour étayer l’aile gauche du front de l’Yser, puis vers 13 heures, il envoie la réserve générale (déjà portée depuis le matin à Caeskerke) 4 compagnies commandées par le Comandant JEANNIOT vers Oud Stuyvekenskerke pour arrêter coûte que coûte l’ennemi. Le Commandant JEANNIOT et le Commandant RABOT réussissent à constituer un front face au nord, sur lequel l’ennemi s’arrête.
 
Mais nos pertes sont grandes. La plupart des officiers des éléments engagés, notamment des 2ème et 3ème bataillons du 1er régiment (secteur nord), sont hors de combat.
 
25 octobre – La nuit se passe sur les positions occupées. La bataille reprend, mais moins violente au nord ; les Allemands paraissent chercher à gagner du terrain vers Pervyse et Ramscapelle. Le 19ème bataillon de chasseurs de la 42ème division française vient relever le Commandant JEANNIOT qui rentre dans les tranchées des réserves de secteur, très diminué et très fatigué.
 
Sur le front de Dixmude, les attaques allemandes sont repoussées. L’ennemi bombarde la ville et les tranchées extérieures, les tranchées de l’Yser, tout le terrain entre l’Yser et Caeskerke, et en particulier la gare de Caeskerke où se tient l’Amiral.
 
L’artillerie de la défense n’arrive pas à éteindre ou même à diminuer le feu de la grosse artillerie ennemie. Les moyens d’observation qu’elle possède sont insuffisants. Le toit de la minoterie n’est pas tenable ; d’un autre côté le pays est plat, assez couvert ; enfin le manque de ballon ou d’avion fait que l’observation des coups est à peu près impossible.
 
L’Amiral est donc obligé d’indiquer à son artillerie les emplacements probables de l’artillerie ennemie d’après les renseignements reçus des défenseurs des tranchées, d’ailleurs mal placés pour bien observer.
 
De plus, les munitions mises à la disposition des batteries sont limitées.
 
Dans la soirée, le Grand Quartier Général belge fait connaître qu’il a pris les mesures nécessaires pour inonder la rive gauche de l’Yser entre le fleuve et le chemin de fer de Nieuport.
 
26 octobre – La nuit est troublée, on s’attend à une attaque violente, ayant eu connaissance de groupements importants ennemis amenés autour de Dixmude par les trois route d’Eessen, de Beerst et de Woumen.
 
Les troupes sont très fatiguées et très éprouvées par les journées précédentes, par les combats sans arrêt et sous les feux d’infanterie et d’artillerie lourde (15, 21, 28, et probablement 32 cm).
 
Vers 19 heures, la compagnie GAMAS qui se rend aux tranchées de l’est, se heurte à une ½ compagnie allemande, sur la route d’Eessen, au débouché de la ville de Dixmude. Elle l’aborde immédiatement à la baïonnette, tue une quarantaine d’Allemands, tandis que les autres s’enfuient.
 
Dans la nuit, une colonne allemande, forte probablement d’un demi-bataillon, réussit à la faveur de l’obscurité et grâce à la fatigue des troupes à pénétrer dans Dixmude sans être aperçue. Elle parvint jusqu’au pont-route de l’Yser. La garde de pont reconnut la présence des Allemands, mais seulement après qu’un certain nombre d’entre eux eût franchi le pont (nuit très noire). Le Capitaine de frégate de SAINTE-MARIE fit ouvrir le feu immédiatement et les mitrailleuses du pont eurent bientôt couché par terre la presque totalité des Allemands qui n’avaient pas encore passé le pont. Ceux qui l’avaient franchi furent aperçus au jour dans les prairies, attaqués et faits prisonniers. Le Capitaine de frégate JEANNIOT et le médecin principal DUGUET trouvèrent la mort dans cette affaire ; l’abbé LE HELLOCO, aumônier du 2ème régiment fut blessé.
 
L’Amiral rend compte de la situation au Général D’URBAL commandant le détachement d’armée de Belgique, qui met à sa disposition 2 bataillons de Sénégalais (1200 hommes). Ces bataillons qui sont à Loc, reçoivent immédiatement l’ordre de rallier Dixmude où ils arrivent à 8 heures 30.
 
Appel également à la 5ème D.A. qui envoie un bataillon de renfort. Ces bataillons doivent faire la relève des marins qui maintenant occupent à peu près toutes les tranchées extérieures de Dixmude.
 
27 octobre – Pendant la nuit, l’Amiral cherche à mettre de l’ordre dans les dispositions des troupes. A Dixmude, les Sénégalais sont placés dans les tranchées avec 1 bataillon belge et 2 compagnies (2ème bataillon du 2ème régiment). La défense est dirigée par le Commandant CONTI qui dispose du reste de son bataillon (2 compagnies), placé sur la rive gauche dans des tranchées près du pont-route.
 
Le Commandant CONTI a pour adjoints le commandant des Sénégalais et le commandant du bataillon belge.
 
Les rives de l’Yser et le crochet défensif face au nord sont tenus par 11 compagnies (2 du 2ème régiment et 9 du 1er).
 
En réserve de secteur : 4 compagnies.
 
En réserve générale : 5 compagnies très fatiguées et désorganisées.
 
Le 19ème bataillon de chasseurs tient pour le compte de la brigade une ligne de tranchées face à Oud Stuyvekenskerke, au nord du chemin pavé d’Oostkerke à la borne 16 de l’Yser.
 
A cause des progrès ennemis sur la rive gauche de l’Yser, l’Amiral fait déplacer l’artillerie lourde qui va se mettre en batterie : les 120 longs à l’ouest de Lampernisse, les 155 TR à la ferme Bien-Acquis.
 
L’artillerie de campagne belge est de moins en moins nombreuse. Les pièces qui tirent l’obus de 75 français qui n’est pas fait pour elles se dégradent, et ces pièces sont retirées une à une et envoyées en réparation sans être remplacées sur le terrain.
 
L’Amiral porte son poste de combat à la croisée des routes à l’ouest de Caeskerke, la gare étant devenue intenable.
 
A 8 heures, le bombardement reprend. Il devient très intense entre 12 et 15 heures, et se fait particulièrement sentir sur les ponts de Dixmude et les tranchées sud de la ville (cimetière). Pertes sensibles. Les tranchées atteintes par le bombardement sont démolies.
 
La brigade passe sous les ordres du Général GROSETTI chargé de la défense de la ligne de l’Yser jusqu’à Dixmude inclus (détachement d’armée de Belgique, Général DURBAL).
 
28 octobre – Nuit et matinée calmes. L’Amiral en profite pour faire refaire et améliorer les tranchées et pour continuer à remettre de l’ordre dans les bataillons.
 
A 10 heures, un bombardement violent reprend sur Dixmude et tout le terrain à l’ouest de l’Yser, sans que notre artillerie réussisse à en diminuer l’intensité.
 
Les tranchées sont bombardées. Pertes considérables.
 
La ville de Dixmude est à peu près détruite.
 
Ce bombardement prend fin à la nuit, au moment où une attaque d’infanterie se produit contre les tranchées du cimetière, attaque qui est d’ailleurs rapidement repoussée par les défenseurs des tranchées aidés par l’artillerie de campagne.
 
Source photo : http://www.edouard-gamas.fr/pageID_5811925.html
Ruines de Dixmude, la Grande-Rue
 
Au nord, la bataille continue, la 4ème D.A. a reculé jusqu’à Ramscapelle et Pervyse. La 42ème division d’Infanterie française se prépare à contre-attaquer l’ennemi. Pour cette contre-attaque, il est fait appel à tous les éléments disponibles. C’est ainsi que la 42ème division réclame le 19ème bataillon de Chasseurs.
 
29 octobre – Ce bataillon est engagé, on ne peut l’enlever ni le relever.
 
L’Amiral propose d’envoyer à sa place 1 bataillon de marins, composé d’une compagnie du 1er régiment (la 7ème) et trois du 2ème régiment (2ème, 4ème et 5ème) prélevées sur les réserves de secteur et la réserve générale.
 
Ce bataillon, commandé par le Commandant RABOT, part dans la nuit pour Roussdamme. Il participera aux affaires de Pervyse et de Ramscapelle.
 
A 8 heures 30, reprise du bombardement auquel répond l’artillerie lourde de la brigade. Comme cette artillerie se trouve trop éloignée des positions ennemies, un nouveau changement est ordonné : les 120 long sont établis à l’ouest d’Oudecapelle (au nord et au sud de la route de Forthem) et les 155 vers Saint-Jacques Capelle.
 
30 octobre – La nuit est cependant tranquille, les Allemands se contentent d’envoyer des shrapnells pendant toute la nuit sur Caeskerke et le carrefour où se trouve le poste de commandement de l’Amiral.
 
Au jour, ils attaquent avec succès Ramscapelle et avec pertes Pervyse où sont deux des compagnies du bataillon RABOT (les deux autres sont en réserve à Rousdamme).
 
Sur le front de Dixmude, bombardement de la ville et des tranchées de l’Yser. Le pont du chemin de fer est en partie détruit par un obus vers 17 heures.
 
Au sud de Dixmude et depuis la veille, on entend une très violente canonnade ininterrompue qui se prolonge pendant toute la nuit.
 
31 octobre – L’ennemi est repoussé avec pertes de Ramscapelle par la 42ème division.
 
Au nord de nous, il paraît se retirer sur l’Yser, chassé sans doute par l’inondation qui progresse légèrement.
 
A Dixmude, le bombardement diminue d’intensité. Plus d’attaques d’infanterie sur les tranchées de la ville.
 
Situation de la brigade sans changement.
 
Au sud sud-est, on entend toujours une violente canonnade.
 
1er novembre – Nuit calme, journée relativement tranquille. L’Amiral donne l’ordre de remettre de l’ordre dans les régiments et les bataillons. Le bataillon RABOT relève le 19ème bataillon de chasseurs au nord du chemin Costkerke, borne 16 de l’Yser.
 
La situation de la brigade est alors la suivante :
            A Dixmude (Commandant CONTI) :
            -   1 bataillon de marins (2ème du 2ème régiment)
            -   les Sénégalais
            -   1 bataillon belge.
            Sur l’Yser :
-         1er bataillon du 1er régiment (Commandant de SAINTE-MARIE) au nord du Pont route
-         3ème bataillon du 2ème régiment (Commandant MAUROS) au sud du Pont route.
Front nord :
-         3ème bataillon du 1er régiment (Commandant RABOT)
Dans les tranchées extérieures de Caeskerke :
-         1ère réserve
-         2ème bataillon du 1er régiment (Commandant DE KERROS)
Réserve générale
-         1er bataillon du 2ème régiment (Commandant de JONQUIERES qui vient d’arriver).
 
Le Commandant DELAGE garde pour lui la route de Dixmude et le secteur au nord.
 
Le Commandant VARNEY, le secteur au sud de la route.
 
L’artillerie, sans changement.
 
L’Amiral porte son quartier général à Oudecapelle où il fait installer les communications téléphoniques ; son poste de combat reste à la croisée des routes.
 
2 novembre – Depuis plusieurs jours on entend une violente canonnade ininterrompue vers Merckem. La tranquillité relative dont la brigade bénéficie après 15 jours de combats continuels résultent vraisemblablement de ce que l’ennemi a fait refluer vers Merckem et au sud, en vue du combat dans cette région, la plupart des forces d’infanterie et d’artillerie qu’il maintenait devant Dixmude.
 
Pour obliger l’ennemi à maintenir toutes ses forces devant Dixmude et l’inciter à y amener d’autres forces, le commandant décide de faire déboucher de Dixmude une attaque soutenue par une puissante artillerie.
 
Cette attaque est montée par 4 bataillons d’infanterie de la 42ème division d’infanterie. Un bataillon de marins (1er du 2ème régiment, Commandant de JONQUIERES) sert de réserve à cette attaque ; le reste de la brigade doit lui servir de repli éventuel.
 
L’attaque décidée dans la nuit commence à 8 heures par une préparation énergique de l’artillerie de 75 de l’A.D. 42 (Colonel BOISCHUT) qui avait pris position pendant la nuit, de l’artillerie belge et de l’artillerie lourde de la défense.
 
Sur le front nord, rive gauche de l’Yser, l’ennemi est visiblement gêné par l’inondation. Il se retire vers l’Yser, mais occupe toujours les fermes dans lesquelles il laisse quelques hommes et des mitrailleuses.
 
3 novembre – Continuation de l’attaque de la 42ème division.
 
En raison du repli des Allemands sur l’Yser, l’Amiral décide de ne laisser que 2 compagnies sur le front nord, rive gauche. En conséquence, il fait rentrer le bataillon RABOT à la réserve générale et 2 des compagnies du 2ème bataillon du 1er régiment (DE KERROS) à la 1ère réserve de Caeskerke.
 
Il ne reste donc plus dans les tranchées du nord qu’un demi-bataillon (DE KERROS), avec le commandant.
 
La veille, une des batteries de 155 TR a été envoyée à Reninghe (ordre du Corps d’Armée) ; elle est remplacée par 2 mortiers de 220 qui sont placés au sud d’Oudecapelle et qui sont orientés, l’un vers Woumen, l’autre sur le château de la route de Woumen.
 
4 novembre – Continuation des opérations de la 42ème division.
 
L’Amiral envoie au Commandant CONTI les 2 compagnies du commandant de KERROS placées en 1ère réserve.
 
La brigade reçoit un renfort d’artillerie lourde (2 pièces de 120 long).
 
5 novembre – Nuit calme autour de Dixmude.
 
Fin de l’offensive de la 42ème division. Le bataillon de JONQUIERES est reporté immédiatement à la réserve générale.
 
A Dixmude, la journée se passe dans une tranquillité relative, dont l’Amiral profite pour procéder à une nouvelle répartition permettant la relève des unités sur le front.
 
A Dixmude, avec le Commandant CONTI :
            - Le bataillon CONTI (2ème du 2ème régiment) :
2 compagnies dans les tranchées
2 compagnies en réserve
            - Le bataillon RABOT (3ème du 1er régiment)
            - Un bataillon de Sénégalais réduit à 600 hommes
            - Un bataillon belge.
 
Sur L’Yser :
-         Nord du Pont de route  - 1 bataillon (1er du 1er régiment)
-         Sud du Pont de route – 1 bataillon (3ème du 2ème régiment)
Front nord et à Caeskerke :
-         1 bataillon (2ème du 1er régiment)
-         1 bataillon de Sénégalais.
Réserve générale :
-         1 bataillon (1er du 2ème régiment)
 
La brigade passe sous les ordres du Général BIDON, commandant le groupement chargé de la défense de l’Yser (détachement d’armée de Belgique, Général D’URBAL).
 
6 novembre – Nuit calme, brouillard. Le repli de la 42ème D.I. se fait sans incidents et la brigade se trouve de nouveau seule à Dixmude.
 
Sur la demande pressante de l’Amiral, la 42ème division laisse toutefois 1 groupe de 2 batteries de 75 à la disposition de la brigade (7 pièces : 3 à de Kapelhoek et 4 à la gare de Caeskerke). L’artillerie belge, primitivement à sa disposition, ayant été retirée – pour cause de réparations – pièce par pièce, il ne reste plus que 14 pièces en état de tirer, sur les 72 du début.
 
A Dixmude, les Allemands ont ramené leurs grosses pièces avec lesquelles ils reprennent un bombardement assez intense de la ville et de ses tranchées, des tranchées de l’Yser et du terrain en arrière.
 
Sur le soir, une attaque d’infanterie allemande sur le cimetière est repoussée.
 
7 novembre – Nuit calme – Brouillard épais.
 
En vue :
-         d’obtenir la relève du commandement
-         de rendre plus intime l’action de l’artillerie et de l’infanterie, l’Amiral décide une nouvelle répartition du commandement et des forces :
 
A – Ensemble de la défense proprement dite de Dixmude comprenant :
                        - le front extérieur de la ville de Dixmude
                        - la ville de Dixmude
                        - la rive de l’Yser (nord et sud du Pont route)
                        - les réserves de secteur,
            sera commandé par un des capitaines de vaisseau.
B – Le reste de la défense comprenant :
                        - le front nord (face au nord – rive gauche de l’Yser)
                        - la réserve générale,
            sera commandé par d’autre capitaine de vaisseau.
 
Le service sera changé tous les 2 jours.
Le commandant de B devra toujours mettre à la disposition du commandant de la défense de Dixmude les renforts qui lui seront demandés.
Les 2 batteries de 75 français sont placées sous les ordres directs du  commandant de la défense de Dixmude (liaison téléphonique).
Les batteries de campagne belges et les batteries lourdes restent à la  disposition de l’Amiral.
Le commandant VARNEY prend le service A.
 
Pendant toute la journée, duel d’artillerie, notre artillerie lourde cherche l’artillerie allemande, sans parvenir à éteindre son feu.
 
Sur le front des tranchées de Dixmude, les Allemands montrent une grande activité.
 
Une pièce de 75 belge est amenée sur la berge de l’Yser en vue de battre un point précis où cette activité se manifeste. Cette pièce est, dès le premier coup, prise sous le feu d’une batterie allemande, dont un projectile tue le commandant DE SAINTE MARIE qui surveillait les effets du tir.
 
8 novembre – Nuit troublée. L’ennemi venant d’Eessen prononce plusieurs attaques sur Dixmude sans toutefois insister.
 
Au jour, il attaque plusieurs fois le cimetière au sud de la ville. Il est repoussé.
 
Violent bombardement toute la journée. Le tir des Allemands est dirigé avec une grande précision sur nos tranchées du cimetière et de l’Yser et sur notre artillerie lourde placée vers Oudecapelle., 2 aéroplanes et un drachen ballon comme d’ailleurs presque tous les jours, dirigent ces tirs. Fortes pertes.
 
Le Commandant MAUROS avec son bataillon, remplace le Commandant CONTI à la défense de la ville de Dixmude.
 
Le Commandant CONTI, avec son bataillon, prend la défense de la rive de l’Yser au sud du Pont-route.
 
9 novembre – Pendant la nuit, un groupe d’artillerie de la 6ème D.A. soit 12 pièces (major DUJARDIN) vient relever ce qui reste de l’artillerie de campagne mise à la disposition de l’amiral et dont l’effectif est tombé à 14 pièces. Ordre est donné à ces 14 pièces de laisser toutes leurs munitions aux batteries de remplacement. Ces batteries reçoivent l’ordre d’installer une batterie vers de Kappelhoek et 2 entre les bornes 22 et 23 du chemin de fer Dixmude – Furnes.
 
Dès le matin, fusillade allemande contre les tranchées de Dixmude et pendant toute la journée, bombardement auquel notre artillerie répond. Mais nous manquons d’éléments d’appréciation de son tir.
 
Par ordre de l’Amiral, les batteries de campagne nouvellement installées exécutent des tirs sur des points indiqués, en vue de déterminer les éléments qui leur sont nécessaires pour ouvrir rapidement le feu sur tel point qui leur serait indiqué, et en particulier sur les tranchées allemandes très rapprochées des nôtres.
 
10 novembre – Un bombardement violent commence dès le matin, principalement sur les fronts est et sud de Dixmude et sur la rive gauche de l’Yser, notamment sur le cimetière qui devient vite intenable.
 
L’artillerie de campagne, l’artillerie lourde de la défense répondent, mais sans grand résultat apparent.
 
A 11 heures 30, le bombardement des tranchées redouble.
 
C’est l’attaque brusquée.
 
A 13 heures, l’infanterie ennemie marche sur les tranchées de Dixmude plus ou moins démolies et en tout cas neutralisées. Elle s’empare d’une partie de ces tranchées, de celles qui sont immédiatement au sud de la route d’Eessen et pénètre dans l’intérieur de la défense, prenant d’écharpe et à revers les autres tranchées qui sont les unes après les autres évacuées.
 
Une vive fusillade éclate partout en ville où l’ennemi a pénétré avec une rapidité surprenante, encore inexpliquée.
 
Du côté nord, la section du 3ème bataillon, avec laquelle se tient le Commandant RABOT, est attaquée de flanc et de revers. Le Commandant RABOT est tué, la section faite prisonnière avec l’adjudant-major, le Lieutenant de vaisseau SERIEYX qui est blessé. Après avoir désarmé, l’ennemi pousse ce qui reste de cette section vers l’Yser, ordonnant au Capitaine SERIEYX d’inviter les tranchées de l’Yser à se rendre. Mais une contre-attaque lancée par le commandant de la défense (Commandant DELAGE) et exécutée par une section de la 1ère compagnie (1er régiment), Capitaine d’ALBIAT, fait fuir les Allemands, ce dont le Capitaine SERIEYX profite pour traverser l’Yser à la nage avec quelques hommes et pour rendre compte à l’Amiral de ce qui se passe (16 heures).
 
Le reste du bataillon, placé dans les tranchées de la route de Beerst, est attaqué de front, de flanc, et à revers. Le Capitaine CANTENER prend le commandement, se maintient jusqu’à la nuit, puis rallie les ponts de Dixmude après avoir souffert de difficultés considérables pour cheminer sous le feu de l’ennemi, dans les fossés pleins d’eau. Le Capitaine CANTENER peut ainsi ramener à la brigade 450 hommes épuisés et presque tous dépourvus d’armement et d’équipement.
 
Dans Dixmude même, le Commandant MAUROS fait occuper par la 8ème compagnie en réserve, puis par une section de renfort de la 5ème compagnie (2ème régiment), la barricade établie au passage à niveau de la route d’Eessen, mais il se voit forcé d’ordonner la retraite, à un moment où la situation est intenable et où l’évacuation est rendue fort dangereuse par la fusillade que les Allemands dirigent des fenêtres des maisons en ruines.
 
Le commandant de la défense a envoyé une compagnie de renfort (5ème compagnie – 2ème régiment), une section de cette compagnie est arrivée au passage à niveau du chemin de fer, les autres tiennent les voies aboutissant au Pont-route au nord, à l’est et au sud où elles servent de repli. Cette manœuvre permet en outre de sauver de nombreux blessés.
 
A 16 heures 30, la situation est des plus confuses. Les actes d’héroïsme relevés sont nombreux ; ils ne peuvent aboutir à la conservation de la ville, et l’Amiral décide d’abandonner Dixmude et de mettre tout en œuvre pour arrêter les progrès de l’ennemi à l’Yser.
 
A 17 heures, la ville est prise, l’Amiral fait sauter les ponts. L’artillerie lourde de la défense reçoit l’ordre de bombarder à son tour Dixmude, pour en rendre l’occupation intenable. Le feu est mis à la minuterie. La décision de bombarder Dixmude était des plus pénibles, parce que la ville contenait certainement beaucoup de blessés alliés, mais elle était nécessaire pour le maintien du front de l’Yser, à une heure où le moral de nos troupes pouvait être fortement ébranlé.
 
Nos pertes sont considérables, le Commandant RABOT est tué, le Commandant VARNEY est blessé (il est remplacé dans le commandement de son régiment par le Commandant MAUROS).
 
De la garnison de Dixmude, il ne revient que 200 Sénégalais, 200 Belges, 500 marins et quelques officiers.
 
La perte de Dixmude est due à différentes causes :
1.- L’artillerie de campagne de la défense était, malgré les réclamations réitérées de l’Amiral, tombée à 19 pièces (12 belges, 7 françaises).
2.- Ces pièces, ou du moins 12 de ces pièces, étaient sur leurs emplacements de combat depuis la veille et leurs chefs ne connaissaient pas encore suffisamment les terrains à battre.
3.- L’approvisionnement en munitions de toute l’artillerie de campagne et lourde était insuffisant. Une batterie de 75 française (celle placée à la gare de Caeskerke) a dû se retirer au milieu du combat, ses coffres étant vides.
4.- L’artillerie lourde n’avait pas l’efficacité désirable, aucun moyen d’observation des effets du tir n’ayant été mis à sa disposition.
5.- Les hommes étaient fatigués. Il y a eu surprise.
6.- L’offensive de la 42ème division d’infanterie avait laissé en avant de nos lignes, et à 200 mètres environ des tranchées auxquelles les Allemands ont pu arriver par des boyaux de communication profonds, et d’où ils sont partis à l’attaque du côté d’Eessen. Ces nouvelles tranchées n’avaient pas été occupées par nos troupes, à cause de l’impossibilité d’augmenter notre front.
7.- Les Allemands avaient peut-être fait des travaux souterrains dans le secteur sud-est de la ville leur permettant d’arriver aux caves des premières maisons de Dixmude (ce point n’a pu être vérifié).
8.- Attaque brusquée et bien menée.
 
A 18 heures, les renforts arrivent :
Infanterie : 14 compagnies de la 5ème D.A.
Les unités de la 6ème D.A. se rapprochent :
Artillerie de campagne : 2 groupes de 75 français (24 pièces).
Commandant BOSSU, avec un ravitaillement de 3000 coups (toute artillerie de campagne et lourde (française) est placée sous les ordres du colonel COFFEC).
4 batteries de 75 belge de la 6ème D.A.
Artillerie lourde belge – 2 groupes d’obusiers de 120 (Quinton et Ducarme).
 
L’infanterie est placée à la réserve générale.
 
La réorganisation des bataillons RABOT et MAUROS commence aussitôt.
 
11 novembre – Tous les efforts sont faits pour empêcher l’ennemi de se servir de Dixmude.
 
Le front de l’Yser est solidement tenu. Un canon de 37 y est placé, des abris sont construits. Une pièce de 75 est amenée à proximité.
 
L’artillerie lourde de la défense tire sans relâche sur Dixmude et sur ses abords. Incendies dans la ville.
 
Les Allemands répondent par un bombardement violent des tranchées de l’Yser qu’ils prennent d’écharpe, et des terrains en arrière. Ils n’essaient pas de déboucher de Dixmude, par contre, ils montrent beaucoup d’activité dans les marais au nord de la ville.
 
Le soir, courte fusillade sur le front nord Yser.
 
Violente tempête toute la nuit.
 
La situation des troupes de la brigade est la suivante :
-         2 bataillons sur l’Yser face à l’est (1er du 1er régiment et 2ème du 2ème régiment) ;
-         1 bataillon occupe le front nord de la rive ouest (2ème du 1er régiment – 3 compagnies seulement, l’autre compagnie est à la réserve)
-         1 bataillon en soutien (1er du 2ème régiment).
-         Les 2 autres bataillons se refont en arrière (3ème du 1er et 3ème du 2ème régiment).
 
Les Sénégalais réduits à 600 hommes sont mis au cantonnement à Caeskerke. Ils sont pratiquement inutilisables.
 
Les Belges qui étaient à Dixmude sont reportés en arrière, à Oostkerke.
 
Les renforts d’infanterie belge mis par la 6ème D.A. à la disposition de l’Amiral sont disposés comme suit :
-         2 compagnies à Kappelhoek
-         1 bataillon de chasseurs réparti dans les fermes avoisinant la route Dixmude – Oudecapelle
-         1 bataillon de ligne à la réserve générale
-         1 bataillon de chasseurs à l’est d’Oostkerke.
-         Une compagnie de Génie belge exécute des travaux d’amélioration de la position de repli.
 
12 novembre – Toute la journée, et jusqu’à 17 heures, le bombardement intense des tranchées et des routes en arrière recommence.
 
Quelques tranchées de l’Yser au sud du pont sont démolies.
 
Aucune attaque d’infanterie, mais on aperçoit des mouvements de troupes ennemies notamment entre le moulin et l’hôpital Saint-Jean, puis à la hauteur de la route de Beerst et dans le Beerst-Bloot.
 
L’artillerie lourde de la défense ainsi que l’artillerie de campagne bombardent sans relâche Dixmude et ses abords.
 
Les bataillons MAUROS et RABOT sont reconstitués à 3 compagnies et placés à la réserve générale.
 
13 novembre – Nuit calme.
 
Dès 7 heures, le bombardement recommence auquel notre artillerie répond, avec succès, semble-t-il.
 
De 9 à 10 heures, fusillade assez nourrie sur le front sud.
 
A Dixmude, les Allemands installent des mitrailleuses dans les maisons de la rue du Pont-route. L’artillerie lourde tire sur ces maisons, les détruit ou les rend intenables.
 
14 novembre – A partir de 7 heures, bombardement violent et systématique de tous les pâtés de maisons de la rive ouest, des routes et de notre artillerie lourde. Un de nos 220 est culbuté et son frein mis hors d’usage. L’artillerie de campagne française est soumise à un bombardement prolongé et réglé (le groupe placé sur la route d’Oudecappelle et le groupe de Saint-Jacques Cappelle souffrent beaucoup).
 
Les maisons de la route Dixmude – Caeskerke, épargnées jusqu’ici, et où sont les Etats-majors des deux régiments, sont détruites.
 
Pas d’attaque d’infanterie.
 
Les deux groupes d’obusiers belges (12 cm) sont repris par le Grand Quartier général belge.
 
La brigade est placée sous les ordres du général commandant le 32ème corps d’Armée qui est chargé de la défense de l’Yser (amont de Dixmude) jusqu’à Dixmude inclus (8ème Armée – Général D’URBAL).
 
15 novembre – Le Grand Quartier général belge, ayant décidé de tenter une inondation sur la rive est de l’Yser, le Génie belge, avec l’aide des marins, fait sauter l’éclusette au sud de la borne 16 pour déterminer une inondation sur cette rive, un peu au nord de Dixmude.
 
Bombardement des deux côtés.
 
Nos tranchées de l’Yser sont très éprouvées, étant prises d’écharpe par la grosse artillerie ennemie. L’artillerie allemande recherche les batteries de Caeskerke et d’Oudecappelle.
 
Dans la soirée, des ordres arrivent pour la relève de la brigade par des unités de la 89ème division territoriale.
 
16 novembre – L’inondation de la rive est commencée. Les Allemands reprennent le bombardement des maisons de la rive ouest et cherchent à atteindre nos batteries. Ils détruisent et incendient, à Oudecappelle, le Quartier général de la brigade qui est obligé de se reporter un peu en arrière (ferme Inn Den Raablarsur la route d’Oudecappelle – Forthem).
 
Les ordres pour la relève sont donnés. Cette relève s’exécute sans difficulté entre 19 et 20 heures. La brigade vient cantonner à Pollinchove et à Hoogstade. Elle a perdu plus de la moitié de son effectif.
 
Le 20 novembre, le Capitaine de vaisseau PAILLET prend le commandement du 2ème régiment.
 
La brigade est ramenée sur l’Yser à la fin de novembre.
 
8 décembre – La brigade est placée dans le groupement commandé par le Général HELY D’OISSEL et qui comprend en outre la 87ème D.T., la 89ème D.T. et la 7ème D.C. La mission de ce groupement est de tenir la ligne du canal de l’Yser entre le pont de Knocke jusqu’où s’étend l’armée belge et la passerelle située sur le canal de l’Yser, à 400 mètres au sud du pont de Steenstraat où doit venir se souder la gauche du 20ème C.A.
 
Dans le groupement H.O., la brigade tient la droite ; elle doit, dans ces conditions, étendre encore son front vers la droite jusqu’à la passerelle sud de Steenstraat. Par contre, au nord, le front de défense qui lui incombe ne va plus que jusqu’à la passerelle N. de Steenstraat, cette passerelle incluse.
 
La tête de pont de Steenstraat, par où débouche la route de Dixmude, se trouve donc dans la part de la brigade.
 
10 décembre – Nuit et journée calmes.
 
L’Amiral en profite pour poursuivre l’amélioration du secteur et le développement du réseau téléphonique.
 
La fatigue des hommes est considérable. Sur 20 compagnies, la brigade a 14 compagnies (et 4 sections de mitrailleuses), dont 8 depuis 5 jours, au travail sur le front.
 
Le temps continue à être pluvieux et les tranchées sont en mauvais état et remplies de boue.
 
16 décembre – Par ordre du général commandant la 8ème Armée et en vue de favoriser les progrès réalisés par nos troupes dans la région du littoral, le détachement H.O. et la 20ème C.A. doivent attaquer, demain, au point du jour, le 1er le carrefour ouest de Bixschoote, le 2ème le bois triangulaire et Korteker Cabaret. Pour cette attaque, le Général HELY D’OISSEL désigne la brigade de marins à laquelle il envoie un renfort d’une batterie d’artillerie (batterie à cheval A.D.C.) et une compagnie cycliste ; le général commandant la 20ème C.A. désigne 1 ½ bataillon de la 11ème division d’artillerie.
 
Dispositions prises par l’Amiral :
Toute l’artillerie du secteur appuiera l’attaque, ouverture du feu, 6h40.
Premier objectif d’attaque : les tranchées allemandes en avant de Steenstraat.
Directeur des attaques : Commandant PAILLET.
Troupes d’attaque :
-         1 bataillon du 1er régiment (Commandant GEYNET)
-         La compagnie cycliste
-         2 sections de mitrailleuses
qui seront placées pendant la nuit à leurs emplacements de départ pour l’attaque.
Troupes de soutien éventuel : 3ème bataillon du 2ème régiment qui sera formé avant le jour, à l’abri des vues, sur le plateau à l’ouest de Kemmelbeck.
Dispositif de la 1ère attaque (sur les tranchées allemandes) :
L’attaque par les marins et les cyclistes commencera à 6h40.
2 compagnies de marins débouchant par la passerelle nord.
1 compagnie de marins et la compagnie de cycliste par le pont de Steenstraat.
Troupes de la défense du front : aideront l’attaque par leurs feux. En tous cas, la ligne du canal de l’Yser doit rester inviolable.
L’Amiral se tiendra au poste de commandement de la défense.
 
17 décembre – L’attaque commence au jour dans les conditions définies dans l’ordre ci-dessus.
 
Toutefois, la compagnie cycliste est remplacée par une compagnie de marins du bataillon MAUROS (10ème compagnie).
 
A – Attaque débouchant de la passerelle nord – 1ère et 4ème compagnies du 1er régiment – lieutenant de vaisseau DORDET – Elle est accueillie par un feu nourri venant des tranchées allemandes organisées en avant. Elle gagne 150 mètres à l’est du canal, mais ne peut progresser davantage.
 
B- Attaque débouchant du pont de Steenstraat et de la passerelle – Commandant GEYNET (3ème compagnie du 2ème régiment).
 
L’attaque doit commencer par la droite (2ème du 1er régiment et 10ème du 2ème régiment) en liaison avec l’attaque menée par la 11ème division d’infanterie. Ces compagnies s’avancent d’abord sans trop de peine, s’emparent d’une première tranchée allemande, y font 30 prisonniers et capturent 2 mitrailleuses. Poussant plus avant leurs progrès, les compagnies prennent une autre tranchée ennemie (en forme de redan), dans laquelle elles font encore une trentaine de prisonniers.
 
Malheureusement, au centre, la 3ème compagnie dirigée par le Commandant GEYNET en personne, débouchant par la route de Dixmude avant que les progrès de l’attaque de droite soient suffisants, est presqu’aussitôt prise de front et d’écharpe par des feux puissants d’infanterie et de mitrailleuses qui la déciment. Le Commandant GEYNET est tué.
 
La 3ème compagnie du 1er régiment est aussitôt remplacée par la 9ème du 2ème régiment qui se déploie prudemment et, en établissant une liaison avec les 10ème du 2ème régiment et 2ème du 1er régiment, permet à ces dernières compagnies de maintenir leur avance et de consolider leur situation, car il n’est pas possible de progresser davantage. En avant de ces compagnies, à 4 ou 500 mètres, une fusillade nourrie part d’une grande tranchée allemande. Cette tranchée précédée d’un réseau de fils de fer ne paraît pas susceptible d’être enlevée sans être préalablement battue par une puissante artillerie dont on ne peut obtenir le concours avant la nuit.
 
A la nuit, l’Amiral ordonne :
- d’organiser défensivement le front (demande télégraphique de 6000 sacs de terre pour faire un parapet. On ne peut, en effet, creuser suffisamment le sol, car on trouve l’eau à 0m50) et de le relier avec les troupes voisines du 20ème C.A.
- d’occuper ce front avec la compagnie cycliste, la compagnie MEROUZE (11ème du 2ème régiment) et la compagnie LE BIGOT (6ème du 2ème régiment)
- aux bataillons BERTRAND (3ème du 1er régiment) et de KERROS (2ème du 1er régiment) de conserver leurs positions sur les rives du canal de l’Yser et la tête de pont de Steenstraat
- au bataillon CONTI (2ème du 2ème régiment) moins la 6ème, de rester en réserve de secteur, sur le plateau à l’ouest de Kemmelbeck
- enfin, aux bataillons GEYNET (1er du 1er régiment) et MAUROS (3ème du 2ème régiment) de rester dans les cantonnements de Boschhoek.
 
Ces mouvements s’exécutent sans incident pendant la nuit qui est calme, les Allemands se contentant de lancer de nombreuses fusées éclairantes.
 
L’offensive du 17 décembre a pour résultat la prise sur les Allemands de 2 ou 300 mètres de terrain. Malheureusement elle coûte cher à la brigade, les bataillons GEYNET et MAUROS sont très épuisés. Les pertes en officiers sont considérables.
 
21 décembre – Nuit calme. Dans la matinée, des avions allemands nous survolent encore. Bombardement assez intense de l’artillerie allemande qui cherche nos batteries.
 
Par ordre du général commandant la 8ème Armée, le groupement H.O. et la 20ème C.A. doivent reprendre l’offensive sur les objectifs indiqués pour l’attaque du 17. Cette attaque doit avoir lieu demain avant le jour.
 
Dans le groupement H.O. c’est la brigade qui reçoit la mission d’attaquer la grande tranchées allemande située en travers de la route Steenstraat – Dixmude à 500 mètres environ de Strenstraat ; dans la 20 C.A. une fraction de la 11ème D.I. reçoit l’ordre d’agir en liaison avec la brigade.
 
En vue de cette attaque, l’Amiral ordonne :
-         Au 2ème bataillon du 1er régiment avec 2 sections de mitrailleuses (Commandant DE KERROS) chargé de l’attaque, de se porter demain pour 6 heures dans les tranchées du nouveau front, face à l’objectif d’attaque.
-         Au 2ème bataillon du 2ème régiment (Commandant CONTI) de se porter demain pour 6 heures 30 en réserve, à l’abri des vues, sur le plateau ouest du Kemmelbeck.
-         Au Commandant DELAGE de prendre la direction des attaques.
-         Le reste de la brigade, sans changement.
 
22 décembre – Nuit calme. Nombreuses fusées éclairantes allemandes. Les bataillons désignés se portent à leurs emplacements.
 
De 6 heures 30 à 6 heures 40, tir violent d’efficacité par toute l’artillerie du secteur sur la grande tranchée allemande.
 
A 6 heures 45, l’artillerie allonge son tir et le bataillon de KERROS se porte à l’attaque :
- 1 compagnie (la 8ème) attaque de front, sa gauche appuyée à la route Steenstraat – Dixmude.
- 2 autres compagnies (5ème et 7ème) se déploient en dehors, de manière à prendre à revers, car on croyait, d’après des photographies prises en avion, que la tranchée allemande formidablement défendue sur son front, n’était qu’un élément de tranchée interrompu vers le S.E. et pouvait par suite être tournée.
- 1 compagnie (la 6ème) est maintenue en réserve sur le chemin de halage, rive droite du canal.
 
Dès le début de l’attaque, la 8ème compagnie est prise par une fusillade violente. Elle est obligée de s’arrêter, elle se couche dans un fossé à demi plein d’eau et ne pourra plus bouger de la journée.
 
5ème et 7ème progressent d’abord sans trop de difficultés, puis se trouvent tout à coup sous des feux violents de front et de flanc. Elles arrivent quand même sur des réseaux de fils de fer organisés en avant de la tranchée ennemie, mais ne peuvent en venir à bout. A ce moment, elles flottent, et sont ramenées en arrière, dans les tranchées de départ.
 
L’insuccès de cette attaque tient à diverses causes :
1)      La grande tranchée est formidable.
Elle est d’un fort relief. Elle n’est pas interrompue ; elle se prolonge au contraire sans interruption vers Bixschoote, ce qui a permis aux Allemands de prendre d’écharpe les 5ème et 7ème compagnies.
2)      Elle est précédée d’un réseau épais de fils de fer de 20 mètres de largeur, fils gros comme le doigt.
3)      Les marins de l’attaque ne possédaient pas les engins nécessaires pour venir à bout de cette défense accessoire.
4)      Notre artillerie, quoique ayant bien réglé son tir, n’a obtenu aucun résultat, le parapet n’a pas paru endommagé ; de plus, dès qu’elle a cessé le feu, les Allemands, probablement à l’abri jusque là, ont immédiatement garni la tranchée.
5)      Enfin, nos pertes eussent été moins lourdes si l’on avait pu doter les marins de boucliers.
 
A la nuit, l’Amiral fait rentrer le bataillon DE KERROS (2ème du 1er régiment) qui est très éprouvé, et ordonne la relève du bataillon BERTRAND (3ème du 1er régiment) par le bataillon CONTI (2ème du 2ème régiment) et la 3ème compagnie du 1er régiment (70 fusils). Les bataillons BERTRAND et DE KERROS rentrent au cantonnement.
 
24 décembre – Les effectifs de la brigade fondent, le nombre des malades, des éclopés, des exempts de service croissant de jour en jour.
 
30 – 31 décembre – La brigade est relevée en envoyée au repos.
 
Fortement éprouvée par les fatigues et les pertes subies au cours des mois d’octobre, novembre et décembre, elle va se réorganiser.
 
 
Pendant la période du 15 au 31 décembre, le 1er bataillon du 2ème régiment (commandant de JONQUIERES) détaché vers Nieuport, prit part à l’offensive du Corps de Mitry sur Lombartzyde et Saint-Georges.
 
Ce bataillon, avec un groupe de cyclistes, eut pour mission de s’emparer de Saint-Georges. L’opération sur Saint-Georges était particulièrement délicate et difficile, les prairies inondées ne laissant comme terrain à la disposition de l’attaque que 2 digues et une route. Cette opération se termina par la prise et l’occupation de Saint-Georges.
 
L’attaque fut conduite méthodiquement, prudemment, en consolidant chaque jour les points conquis. Le village de Saint-Georges fut pris d’assaut le 29 décembre par la 3ème compagnie de marins (Lieutenant de vaisseau LE PAGE) qui fit une cinquantaine de prisonniers et qui, aidé d’escadrons de cavalerie à pied, de la 4ème compagnie de marins (Lieutenant de vaisseau MARTINIE), puis de la 2ème compagnie (Lieutenant de vaisseau de KERMADEC), finit par s’installer à l’est du village et par s’y organiser défensivement.
 
Depuis, les contre-attaques allemandes lancées pour reprendre le village ont échoué.
 
 
11 janvier 1915 – Le Président de la République passe en revue la brigade, et fait la remise du drapeau. La garde en est confiée au 11ème régiment, dont le commandant est plus ancien de grade que le commandant de 1er régiment.
 

(Extrait du journal officiel du vendredi 15 janvier 1915)
Visite du Président de la République aux Armées.
 
Le Président de la République qui avait quitté Paris dimanche soir, accompagné par le Ministre de la Marine et le général DUPARGE est arrivé lundi matin à trois heures à Dunkerque. Il s’est aussitôt rendu sur le terrain où était réunie la brigade des Fusiliers marins en armes et il a remis à ces troupes, dont on connaît l’attitude héroïque dans les combats de l’Yser, le drapeau récemment conféré aux formations de marins à terre et qui porte l’inscription « Régiments de marins ».
 
En présentant le drapeau aux troupes, M. POINCARE a prononcé l’allocution suivante :
« Fusiliers marins, mes amis,
Le drapeau que le Gouvernement de la République vous remet aujourd’hui, c’est vous-mêmes qui l’avez gagné sur les champs de bataille. Vous vous êtes montrés dignes de la recevoir et capables de le défendre. Voilà de longues semaines qu’étroitement unis à vos camarades de l’armée de terre, vous soutenez victorieusement comme eux, la lutte la plus âpre et la plus sanglante. Rien n’a refroidi votre ardeur, ni les difficultés du terrain, ni les ravages qu’a d’abord faits parmi vous le feu de l’ennemi, rien n’a ralenti votre élan, ni les gelées, ni les pluies, ni les inondations. Vos officiers vous ont donné partout l’exemple du courage et du sacrifice, et partout vous avez accompli, sous leurs ordres, des prodiges d’héroïsme et d’abnégation.
Le drapeau que je vous confie représentera désormais, à vos yeux, la France immortelle, la France c’est-à-dire vos foyers, le lieu où vous êtes nés, les parents qui vous ont élevés, vos femmes, vos enfants, vos familles et vos amis, tous vos souvenirs, la France, c'est-à-dire le pays de grâce, de douceur et de beauté, dont une partie est encore occupée par un ennemi barbare, la France, c'est-à-dire tout un passé d’efforts communs et de gloire collective, tout un avenir d’union nationale, de grandeur et de liberté.
Mes amis, ce sont les plus lointaines destinées de la Patrie et de l’humanité qui s’inscrivent, en ce moment, sur le Livre d’Or de l’Armée française. Notre race, notre civilisation, notre idéal, sont l’enjeu sacré des batailles que vous livrez. Quelques mois de patience, de résistance morale et d’énergie vont décider des siècles futurs. En conduisant ce drapeau à la victoire, vous ne vengerez pas seulement nos morts, vous mériterez l’admiration du monde et la reconnaissance de la postérité.
Vive la République, Vive la France. »
 
 
 

GROUPEMENT DE NIEUPORT
 
Le 1er février 1915 est constitué le « Groupement de Nieuport », sous les ordres du général HELY D’OISSEL dépendant directement du général FOCH.
 
Ce groupement comprend :
-         une brigade de zouaves (1er et 4ème régiments)
-         la brigade de marins
-         la 161ème brigade territoriale.
 
Le 2 février au soir, la brigade prend possession des parties du front qui lui sont affectées.
 
Attaque allemande du 9 mai 1915
 
La situation de la brigade, le 8 au soir, est la suivante :
 
- Commandant à Nieuport : Capitaine de vaisseau DELAGE.
 
- Tranchées du sous-secteur nord – 6 compagnies : 4 compagnies de marins (3ème bataillon du 2ème régiment), commandant de MAUPEOU et 2 compagnies du 2ème bataillon du 6ème régiment territorial, commandant ROUET.
Capitaine de frégate de MAUPEOU, commandant.
 
            - Tranchées du sous-secteur sud – 6 compagnies : 5 compagnies de marins (3ème bataillon du 1er régiment), capitaine de frégate BERTRAND, 1 compagnie du 1er régiment de marins (4ème) et 1 compagnie du 2ème bataillon du 6ème régiment territorial.
            Capitaine de frégate BERTRAND, commandant.
 
            - Réserve à Nieuport – 3 compagnies de marins : 2 compagnies du 2ème bataillon du 2ème régiment (1 compagnie au redan – 8ème et 1 compagnie dans Nieuport – 5ème) et 1 compagnie du 1er régiment (7ème).
 
            - En 2ème ligne, à Ribaillet : 2 compagnies du 2ème bataillon du 2ème régiment (6ème et 7ème), capitaine de frégate PETIT, 1 compagnie du 2ème bataillon du 1er régiment (5ème).
 
            - A Groot Laber : 2 compagnies du 2ème bataillon du 1er régiment (6ème et 8ème), capitaine de frégate LEFEBVRE.
 
            - En réserve à Gallimard : 3 compagnies du 1er bataillon du 1er régiment (1ère, 2ème, 3ème), lieutenant de vaisseau GAMAS.
 
            - A la disposition du général commandant le groupement : 1er bataillon du 2ème régiment de Marine, commandant de JONQUIERES à Coxyde.
 
Pendant la matinée du 9 mai, le bombardement des Allemands commence plus tôt et est plus nourri que d’habitude.
A partir de 9 heures, l’intensité du bombardement augmente progressivement ; il est exécuté avec des pièces de tous calibres et est dirigé sur les tranchées et le terrain en arrière, sur Nieuport, les ponts et le bois triangulaire.
 
A 11 heures, le bombardement atteint son maximum d’intensité sur les tranchées, sur lesquelles arrive une quantité énorme de projectiles percutants et une grêle de shrapnells, en même temps qu’il s’accentue sur les ponts, sur Nieuport, avec une dispersion notable des coups.
 
A partir de 12h30, le feu ennemi diminue peu à peu sur les tranchées et se maintient aussi violent et pendant tout l’après-midi sur Nieuport, les débouchés de la ville et toute la région à l’ouest. Au cours de ce bombardement, à 15 heures, un projectile tiré par une pièce de marine (150 mm) est entré dans la ferme où est installée le poste de combat de l’Amiral, a traversé 3 murailles de briques et est venu faucher les pieds de la chaise sur laquelle l’Amiral était assis. L’Amiral tomba à la renverse, sa tête porta contre le mur en arrière de lui, il perdit connaissance. Transporté dans un gourbi voisin, au bout de 10 minutes, il retrouva ses sens et reprenait immédiatement la direction des affaires.
 
Pendant cette préparation d’artillerie :
            - Les hommes dans les tranchées se sont abrités, ils sont replacés à leurs postes de combat dès que le bombardement diminue d’intensité sur les tranchées.
            - Les compagnies en réserve à Nieuport sont tenues prêtes à marcher.
            - Les unités de Ribaillet, de Groot Laber, de Galimard et du camp JEANNIOT (Coxyde) sont alertées.
 
L’artillerie envoie des rafales continuelles sur les tranchées ennemies pour empêcher les Allemands d’en déboucher.
 
A 13 heures, les Allemands ouvrent sur les tranchées un violent feu d’artillerie et de mitrailleuses, puis passent à l’attaque sur tout le front depuis Nieuwendamme jusqu’à la mer.
 
Sur le front 9 x 15 (Nieuwendamme – lieutenant de vaisseau de la FOURNIERE – 11ème compagnie du 1er régiment), l’attaque est menée par environ une compagnie d’infanterie de Marine. Cette compagnie sort par 7 ou 8 coupures de la tranchée entre la digue de Nieuwendamme et le vieil Yser, et se porte en avant par essaims d’une dizaine d’hommes dont quelques-uns sont commandés par des officiers. Marche par bonds de 10 mètres. Après chaque bond, les hommes se couchent dans le trèfle où ils disparaissent. Des mitrailleuses allemandes protègent ce mouvement : une dans la maison C (nord du coude de l’Yser), une dans la ferme de Nieuwendamme, une autre à l’ouest de la tranchée allemande.
 
Le lieutenant de vaisseau de la FOURNIERE fait déclencher immédiatement le tir de barrage qui arrête la sortie des Allemands restant dans la tranchée.
 
En même temps, les mitrailleuses du poste 15 et les fusils du front ouvrent le feu sur les groupes ennemis. La ligne de feu, forte de 6 escouades au moment de l’attaque est successivement renforcée de deux puis d’une escouade. L’attaque allemande est fauchée, dispersée ; la moitié des assaillants reste sur le terrain, les autres fuient.
 
Cette attaque avait duré 20 minutes.
 
A la Briqueterie, la 12ème compagnie (lieutenant de vaisseau GESLIN) a 2 sections en première ligne (enseigne de vaisseau de LESTRANGE) et 2 sections dont une de territoriaux en réserve à la Briqueterie. L’attaque est supportée par les deux sections de 1ère ligne. Les sections de réserve n’ont pas à intervenir.
 
Les Allemands débouchent de leur petit poste de la route de Plaschendaele. Ce sont des fantassins en capotes grises, sac au dos et coiffés du casque à pointe. Ils sont environ 60 qui s’avancent par bonds, protégés par le feu d’une mitrailleuse placée sur la digue de Plaschendaele. Cette attaque est arrêtée en 2 ou 3 minutes par nos feux d’infanterie ; les Allemands ne peuvent franchir que 50 mètres. Ils restent à plat ventre. Ceux qui sont encore valides cherchent à regagner leur boyau en rampant. Malgré un bombardement extrêmement violent qui s’abat à ce moment sur la Briqueterie, une partie des marins tire sur l’ennemi qui a attaqué le front 9 x 15, une autre partie sur les assaillants couchés dans la prairie en avant et qui cherchent à se replier, ceux de gauche enfin, tirent à 600 mètres sur des Allemands répandus entre Bambourg et Lombartzyde, dans les champs de navets.
 
Contre le front, entre Plaschendaele et la route de Lombartzyde, les Allemands débouchent de Groot Bambourg et des tranchées 6, 4, 3, 2 et 1. Ils sautent de leurs tranchées et enjambent leurs fils de fer qui n’avaient pas été préalablement coupés. Ce sont des fantassins à capote grise et coiffés du casque à pointe.
 
Le feu (d’infanterie, de mitrailleuse) est aussitôt ouvert sur toute la ligne à partir du moment où les Allemands enjambent leurs tranchées.
 
La 12ème compagnie du 2ème régiment de Marine (lieutenant de vaisseau REYMOND) placée sur le canal de Plaschendaele et la 10ème compagnie du 6ème régiment territorial (lieutenant HOFMAN) placée sur le Boterdijk partie sud, voient, à 13 heures, deux groupes allemands, d’une force approximative d’un bataillon, déboucher : l’un de la levée de terre du canal d’évacuation, l’autre de Bambourg. Ces groupes s’avancent en colonne par 4, l’arme au bras.
 
Pris d’enfilade par le feu des marins et des territoriaux, une partie du groupe de droite se déploie en toute hâte dans les champs de navets au sud de Bambourg et où les hommes disparaissent. Le reste, la plus grande partie, rentre précipitamment dans ses tranchées.
 
Le groupe de gauche s’égaille à son tour et disparaît dans les champs et dans le ruisseau qui longe les tranchées allemandes au nord du Fortin. Pendant tout l’après-midi, les mitrailleuses et les fusils arrosent les différents points de la ligne des tirailleurs allemands, dès qu’un mouvement de retraite paraît s’y dessiner.
 
Notre artillerie, pendant tout ce temps, balaie les champs de navets.
 
Les pertes des Allemands sur cette partie du champ de bataille ont dû être très lourdes.
 
La 10ème compagnie de marins (lieutenant de vaisseau DELEUZE) occupe le redan de Boterdijk et le Fortin. Dès le début du bombardement, la situation dans le Fortin devient difficile, le bouleversement des boyaux en rend inutilisable une grande partie. Au moment de l’attaque, le lieutenant de vaisseau DELEUZE y envoie une ½ section de renfort avec le maître GRIMAUD, chef de la 2ème section et le charge de la défense du Fortin en remplacement de l’enseigne de vaisseau de LA FOREST DIVONNE qui a été blessé par un éclat d’obus.
 
Mais sur ce front comme ailleurs, les Allemands (1 compagnie ½ environ) dès qu’ils enjambent leurs tranchées (tranchées 4 et 6) sont pris sous les feux des fusils et des mitrailleuses ; ils gagnent cependant les champs de navets dans lesquels ils se terrent. Mais ils n’en peuvent sortir et ils y subissent un feu continu et meurtrier.
 
Le lieutenant de vaisseau DELEUZE, quoique blessé, continue à diriger la défense ; il maintient des renforts dans le Fortin qui est un point délicat de la ligne et met en action son obusier de 58 sur le saillant allemand de Boterdijk.
 
Par une brèche qui s’y produit, on voit des renforts allemands aller de l’est à l’ouest.
 
A 15h30, l’attaque est complètement enrayée sur cette partie du front. D’ailleurs, depuis 14 heures, des renforts venant de Nieuport par le boyau du Boterdijk étaient arrivés dans la tranchée en arrière du Fortin – 2 sections de la 5ème compagnie, lieutenant de vaisseau Des ORMEAUX.
 
La 12ème compagnie du 6ème régiment territorial (lieutenant LANDRON) a une section à droite de la 10ème compagnie de Marins et deux à gauche. Elle coopère par ses feux à la défense de la tranchée. Une brèche s’étant produite sur le front de la compagnie, le sergent DROLLET, avec ses hommes, occupe cet espace et, tout en faisant face à l’attaque, se met à réparer la brèche.
 
La 9ème compagnie de Marins (lieutenant de vaisseau de RODELLEC) est à son poste de combat à gauche de la 12ème compagnie territoriale à 12h45.
 
A 13 heures, devant elle, les Allemands descendent de leurs tranchées baïonnette au canon. Le feu est ouvert sur eux (fusils, mitrailleuses) et 15 minutes après, les oblige à regagner leurs tranchées.
 
La 11ème compagnie (lieutenant de vaisseau MEROUZE) eut à supporter un bombardement plus particulièrement violent dirigé sur le point de soudure avec les zouaves, vers le point où la tranchée traverse la route de Lombartzyde. De ce côté-là, sur le front des zouaves, l’ennemi lance encore de nombreuses torpilles aériennes qui d’ailleurs finissent par produire beaucoup de dégâts.
 
Toute la compagnie est à son poste de combat avant que l’attaque allemande se produise.
 
A 13 heures, les Allemands montent sur leurs tranchées, sautent ou descendent devant et se précipitent, les uns debout, les autres courbés, vers la tranchée française. Un feu nourri de fusils et de mitrailleuses les accueille et les met presque tous hors de combat. L’attaque est enrayée net. Les marins continuent à tirer sur les Allemands visibles dans leurs tranchées et y circulant dans les deux sens.
 
A la gauche de la 11ème compagnie, la 7ème (lieutenant de vaisseau LANGLOIS) et la 8ème (lieutenant de vaisseau de PRUNIERE) du 2ème régiment sont mises à la disposition du secteur voisin occupé par les zouaves.
 
Les positions, W. et Union furent enlevées au début de la nuit, mais les marins ne purent s’y maintenir, et il fallut les évacuer trois jours après.
 
Le 10 mai, le général PUTZ, commandant le détachement d’Armée de Belgique, adressait au général HELY D’OISSEL, commandant le groupement de Nieuport, le télégramme suivant :
« Prière transmettre mes félicitations aux marins pour leur brillant succès, et au 4ème zouave pour la vigueur avec laquelle ils ont reconquis le terrain sur lequel l’ennemi avait un instant pu prendre pied. »
 
De son côté, le colonel ANCEL, commandant la 76ème brigade, écrivait à l’Amiral en ces termes :
« Par ce que je puis apprendre des contre-attaques exécutées dans l’après-midi et la soirée d’hier, entre la route de Lombartzyde et la Geleide, j’apprécie à sa haute valeur la part brillante et glorieuse qu’ont prises dans ces contre-attaques les 7ème et 8ème compagnies du 11ème régiment de Marins, et le grand service que ces compagnies ont rendu aux troupes qui occupaient ce secteur.
Au nom du 4ème régiment de zouaves, de son Colonel, et en mon nom personnel, j’ai l’honneur de vous demander d’exprimer aux valeureuses 7ème et 8ème compagnies et à leurs vaillants chefs, notre profonde admiration, notre vive et fraternelle reconnaissance. »
Signé : ANCEL
 
 
Le 4 novembre 1915, l’Amiral apprend par une communication téléphonique de Paris sa promotion au grade de Vice-amiral ; le Ministre de la Marine le demande d’urgence près de lui. Il part le lendemain, laissant le commandement de la brigade au commandant PAILLET. Le capitaine de vaisseau MAUROS prend le commandement du 11ème régiment.
 
Une dépêche ministérielle du 19 novembre prescrit la dislocation de la brigade. Après entente avec le Ministre de la Guerre, et en raison des besoins croissants de la Marine, il a été décidé que la brigade sera retirée du front. Il restera cependant dans le groupement de Nieuport un détachement formé par des prélèvements dans les unités de la brigade, et comprenant :
-         un bataillon à 4 compagnies
-         une compagnie de pontonniers
-         une compagnie de mitrailleuse à 8 sections.
 
La garde du drapeau sera laissée à ce détachement.
 
Lettre du Général HELY D’OISSEL, commandant le 36ème C.A, au Capitaine de vaisseau PAILLET, commandant la Brigade de Marins
 
Au G.Q., le 19 novembre 1915
 
Mon cher Commandant,
Vous est-il possible de faire relever, approximativement sinon exactement, le total des pertes en officiers, sous-officiers et hommes, subies par la Brigade de Marins depuis son arrivée au front jusqu’à ce jour, en regard de son effectif global de départ ?
Je serais heureux de conserver cet état comme un témoignage éloquent et éclatant des services immenses qu’à rendus au pays cette admirable Brigade, que l’Armée de terre est si fière d’avoir eue dans ses rangs, et que je suis si fier moi, d’avoir eue sous mes ordres pendant près d’une année de guerre.
Je n’ai pu me défendre, ce matin, d’une émotion poignante, en voyant défiler si allégrement et si correctement vos magnifiques marins, et en me disant que c’était la dernière fois.
Soyez auprès de leurs officiers et d’eux-mêmes, l’interprète de toute ma reconnaissance et de la fidèle affection que je leur conserverai à tous.
Veuillez agréer pour vous-même, mon cher Commandant, l’expression de mon sincère attachement.
 
Signé : HELY D’OISSEL
 
 
 
La brigade avait été sous les ordres du général HELY D’OISSEL du 8 au 28 décembre 1914, à Steenstraat. Pendant toute la période passée dans le groupement de Nieuport, elle s’était trouvée sous son autorité, le général HELY D’OISSEL ayant été successivement commandant du groupement, puis du 36ème corps d’Armée.
 
Le 19 novembre, au cours d’une prise d’armes, le général HELY D’OISSEL avait passé en revue deux bataillons de Marins (3ème du 1er régiment, et 1er du 11ème régiment).
 
Cette lettre fut lue, en présence du drapeau, à tous les bataillons au moment de leur départ pour rejoindre le dépôt de Paris.
 
 
PERTES DE LA BRIGADE D’OCTOBRE 1914 à NOVEMBRE 1915
 
 
Tués
Blessés
Prisonniers ou disparus
Officiers
46
110
16
Sous-officiers
81
230
35
Quartiers-maîtres et marins
1051
3996
836
TOTAUX
1178
4336
887


Le livre complet relié ou téléchargé : http://www.lulu.com "14/18 citations marine"

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