COMPTE-RENDU DE L’OPERATION DU 27 OCTOBRE 1917 (intégral)
Pendant la nuit du 26 au 27 octobre 1917, les 1ère et 2ème compagnies et la compagnie de mitrailleuses assurent la défense du front au nord de Thalweg et des deux Lucarnes.
A 3h15, la 3ème compagnie, la 4ème compagnie et le peloton de mitrailleuses franchissent le Saint-Jansbeck en 43.09. Elles prennent en arrière des 1ère et 2ème compagnies leur dispositif d’attente à l’ouest de 45.11. Cette marche de nuit dans la boue est extrêmement pénible, de nombreux hommes se sont enlisés. Les 3ème et 4ème compagnies prennent leurs dispositions pour suivre les compagnies d’assaut en colonne double, les sections en ligne d’escouade par un.
A 4h15, la 1ère compagnie, la 2ème compagnie et la compagnie de mitrailleuses prennent leur dispositif d’assaut sur la ligne ferme des deux Lucarnes à 45.11, pour être prêtes à se porter sur l’objectif du 2ème bond, ligne Hoeske – In Het Hoekje Cabaret ; les compagnies franchissent successivement le Thalweg. Ce ravin plein d’eau, dans ce terrain plein de boue, est traversé cependant. Les hommes le passent un à un, s’enlisent, se dégagent en s’entraidant mutuellement. Pour comble de malheur des mitrailleuses ennemies battent constamment le passage et nous causent des pertes à cet endroit.
A 5h15, heure H, les 1ère et 2ème compagnies et la compagnie de mitrailleuses partent à l’assaut. Le terrain est tellement bouleversé et boueux que les vagues d’assaut ne peuvent suivre le barrage. A la hauteur de la ferme du Génie, la 2ème compagnie est embourbée complètement et en retard de 20 minutes sur le barrage qu’elle aperçoit déjà fixé sur l’objectif du 2ème bond. In Het Hoekje et Hoeske sont tournés par la droite où le terrain est meilleur.
A 6h35, les deux compagnies ont atteint leurs objectifs. La 1ère compagnie me signale qu’elle a passé la ferme Gilles sans l’apercevoir. Les 1ère, 2ème compagnies et deux sections de mitrailleuses s’installent sur l’objectif du 2ème bond Hoecke – In Het Hoekje Cabaret, échelonnées en profondeur. Quand arrive le 102ème B.C.P., le Lieutenant de vaisseau de la FOURNIERE, blessé depuis la veille et la figure en sang, va prévenir le commandant de ce bataillon de l’état impraticable du terrain vers la Ferme du Génie et lui indique le passage d’In Het Hoekje Cabaret. Pendant que les 1ère et 2ème compagnies s’installent sur l’objectif du 2ème bond, les 3ème et 4ème compagnies, après une progression pénible, atteignent les abords d’In Het Hoekje Cabaret. Elles se forment en vagues d’assaut à droite pendant que le 102ème B.C.P. en fait autant à gauche. Entre les Deux Lucarnes et In Het Hoekje Cabaret, la 4ème compagnie a été soumise, à son passage, à un feu très vif de mitrailleuses qui a blessé plusieurs hommes dont un mortellement.
A 8h10, les 3ème et 4ème compagnies et la compagnie de mitrailleuses partent pour l’objectif du 4ème bond (objectif final). Le Lieutenant de vaisseau COMBESCURE aperçoit, en passant, un canal de 1.50 m en 42.23. Le terrain est devenu plus praticable, les vagues d’assaut suivent le barrage d’assez près bien alignées. En arrivant sur la ligne Gendarmerie – Kastel Britania, les vagues d’assaut sont prises de flanc à droite par des mitrailleuses ennemies. A mesure qu’on approche de Merckem, le terrain est beaucoup plus praticable. Rien trouvé dans les abris de la Ferme Raoul.
Dès qu’elles se sont aperçues que les compagnies de soutien du 102ème B.C.P. avaient atteint Mercken, les 1ère et 2ème compagnies viennent se porter sur l’objectif du 3ème bond, la 1ère compagnie dans la région de 41.22, la 2ème compagnie à la gendarmerie de Merckem, à la Villa, à 35.22 et à la ferme du Fantôme.
A 9h45, une section de la 3ème compagnie va reconnaître la ferme des Aviateurs, elle n’y trouve personne. On ne peut pas établir la liaison entre la ferme des Aviateurs et la ferme du Gyroscope, à cause des mitrailleuses ennemies qui surveillent le terrain à cet endroit (l’Enseigne de vaisseau BURET est blessé par balle de mitrailleuse au nord de la ferme de la Cigogne). La route Kippe – Merckem est constamment bombardée et arrosée par les feux de mitrailleuses. Le Lieutenant de vaisseau COMBESCURE a onze blessés par le bombardement à son P.C. de la ferme de la Guêpe.
A 10h30, les 3ème et 4ème compagnies s’organisent en profondeur sur la ligne Ferme des Deux Chapelles – Ferme des Aviateurs – Ferme du Gyroscope.
Une section de mitrailleuse en avant de la Guêpe en 37.31.
Une section Ferme Raoul en 35.29.
Une section aux Aviateurs en 36.34.
Une pièce en 40.30, l’autre pièce de la section hors de service pendant la progression.
A 12h15, le Lieutenant de vaisseau COMBESCURE demande à occuper les fermes Adhémar et du Bourgeois. A 14h20, il me rend compte qu’il a envoyé une patrouille, commandée par le premier-maître PHILIPPE à la ferme du Bourgeois et qu’elle y a capturé trois Allemands. L’un d’eux a dit au chef de patrouille qu’il y avait à Adhémar une cuisine et 40 hommes, mais notre barrage ne permet pas d’y aller.
En fin d’opération, la compagnie COMBESCURE a une section aux Aviateurs, une section entre les fermes des Aviateurs et du Gyroscope, deux sections à 100 m en arrière, le P.C. est à la ferme de la Guêpe.
La compagnie MARRAST a deux sections dans les trous d’obus entre le N.E. de Merckem et la ferme des Aviateurs et deux sections à 100 m en arrière. Le P.C. est dans un trou d’obus au nord de la ferme Raoul, la liaison est assurée à gauche avec la 2ème compagnie du 102ème B.C.P. et à droite avec les éléments du 321ème R.I.
Je vous signale tout particulièrement l’effort fourni par les mitrailleurs du bataillon qui ont participé aux deux opérations du 26 et du 27.
Prisonniers capturés par la 3ème compagnie au cours de l’opération du 27 :
- 1 officier
- 28 hommes
La 3ème compagnie a capturé un matériel de T.S.F. à la ferme Adhémar et l’a laissé en dépôt à la ferme de la Guêpe.
Pertes du bataillon au cours de l’opération du 27 :
- 12 tués
- 60 blessés.
Au total, au cours des deux opérations du 26 et du 27 :
Prisonniers
- 3 officiers
- 2 sous-officiers
- 72 hommes
Pertes
- 21 tués
- 2 disparus
- 131 blessés
D’après le tableau des pertes, celles-ci, tant en morts que blessés, représentent 15% du nombre des combattants. Elles sont très dures, mais en face des résultats obtenus et étant données les conditions plus que pénibles dans lesquelles le bataillon a attaqué, j’estime que nos sacrifices ont été réduits au minimum, grâce à la science militaire de mes capitaines de Compagnies, à la valeur de mes cadres d’officiers mariniers, à la cohésion et à l’esprit militaire de la troupe.
Lettre du 28 octobre 1917 du Général VALENTIN, Commandant la 133ème Division d’Infanterie à Monsieur le Commandant le Bataillon des Fusiliers Marins
« Mon cher Commandant,
Je vous prie de transmettre à vos merveilleux officiers, maîtres, quartiers-maîtres et marins du détachement des Fusiliers marins toute mon admiration pour l’élan remarquable qu’ils ont montré dans les dures et délicates opérations des 26 et 27 octobre.
Ils se sont distingués parmi les braves de ma Division « La Gauloise » ; l’honneur d’avoir commandé d’aussi belles troupes ne s’effacera jamais de mon souvenir.
Commandant, je déplore vos pertes qui ont été sévères, mais après avoir salué bien bas ceux qui sont tombés pour la Patrie, je vous adresse, à vous, à vos Officiers et vos marins mes bien vives félicitations.
Le Détachement de Fusiliers Marins de la 1ère Armée s’est une fois de plus montré troupe d’élite parmi les élites.
Croyez, mon cher Commandant, à tout mon affectueux dévouement ».
Signé : Général VALENTIN
Ordre en date du 30 octobre 1917 du Général NOLLET, Commandant le 36ème corps d’Armée
« Les 26 et 27 octobre, le 36ème C.A. s’est, dans un magnifique élan, porté à l’attaque à travers un terrain défoncé par les obus, coupé par le marécage et l’inondation.
Fidèles à leur tradition d’éblouissante bravoure, les 1ère et 133 D.I. avec le Bataillon de Fusiliers Marins ont intégralement rempli leur mission, enlevé tous leurs objectifs, fait des prisonniers.
Aviation, Artillerie lourde, Génie, Cavalerie et Services ont rivalisé de zèle pour préparer et compléter le succès.
Ils ont fait montre de remarquables qualités de dévouement, d’abnégation et de mépris du danger et prouvé la ferveur du sentiment patriotique qui les anime.
Le Général commandant le 36ème C.A. fier d’avoir mené de pareilles troupes au combat, les félicite et les remercie de l’héroïque effort qu’elles ont généreusement consenti, sous les yeux des Armées alliées, pour le triomphe de la cause commune ».
Signé : Général NOLLET
Le Capitaine de Corvette MONIER Léon prend le commandement du Bataillon le 16 novembre 1917, en remplacement du Capitaine de vaisseau de MAUPEOU D’ABLEIGES.
Lettre en date du 11 décembre 1917 du Capitaine de Corvette MONIER, Commandant le Bataillon de Fusiliers Marins à Monsieur le Ministre de la Marine
« Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur et la grande joie de vous rendre compte que la fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire vient d’être conférée par le Général Commandant en chef au Bataillon de Fusiliers Marins à la suite d’une quatrième citation obtenue pour les opérations offensives du mis d’octobre dernier au cours desquelles le Bataillon s’est à nouveau tout particulièrement distingué.
Monsieur le Général NOLLET, Commandant le 36ème C.A., avait bien voulu m’aviser avant-hier de cette heureuse nouvelle en même temps qu’il m’annonçait que la cérémonie de la remise de la fourragère aurait lieu le lendemain au cours d’une revue passée à St-Pol par le Général en chef.
Le Bataillon étant actuellement en secteur, c’est une délégation de la 1ère compagnie sous les ordres du Lieutenant de vaisseau de SOLMINIHAC adjudant major adjoint qui s’est rendue à la cérémonie qui comportait la remise de décorations collectives à diverses unités de la 1ère Armée.
En l’absence du Drapeau du Corps, c’est au fanion de la 1ère Compagnie qu’échut le grand honneur de recevoir des mains du Général PETAIN la fourragère jaune et verte.
Le Général en chef, tant au moment de la remise de la fourragère qu’à l’issue de la cérémonie, a fait un chaleureux éloge des Fusiliers Marins qui « se sont merveilleusement conduits » et « dont le souvenir restera attaché d’une manière impérissable aux combats des Flandres où ils ont glorieusement versé tant de sang ».
Messieurs le Général ANTHOINE, Commandant la 1ère Armée, le Général NOLLET, Commandant le 36ème C.A., le Vice-amiral RONARC’H, le Général ROUQUEROL, chef de la Mission française en Belgique, assistaient à la cérémonie et ont exprimé au représentant du Bataillon leurs félicitations et toute leur satisfaction pour la nouvelle distinction accordée au Corps.
Je n’ai pas encore le texte de la citation qui a été lue avant la remise de la fourragère et qui expose la part glorieuse prise par le Bataillon à l’offensive d’octobre. Je m’empresserai de vous le transmettre dès que je l’aurai.
Cette nouvelle distinction honorifique accordée à son Bataillon de marche sera, j’en suis certain, particulièrement appréciée par la Marine.
Les Fusiliers Marins, pour leur part, y puiseront de nouvelles forces pour continuer à réaliser la tâche que le pays leur demande, pour l’honneur de la Marine et la gloire de la Patrie ».
Signé : MONIER
Le Bataillon reste dans le secteur de Nieuport jusqu’au 29 mars 1918. A cette date, il est envoyé dans la Somme avec la 29ème D.I. et prend part aux opérations qui ont eu lieu entre le 4 et le 14 avril dans le secteur du confluent de l’Avre et de la Luce.